Himë Berisha a refait d’Epalinges un club ambitieux

« Jusqu’où on va aller? Demandez à Himë, c’est lui qui décide! » Martial Diserens a lancé cette phrase sur le ton de l’humour, évidemment. L’homme fort du FC Epalinges, c’est lui, son président depuis 2006. Mais le fait de lâcher cette petite phrase, comme ça, au détour de la conversation, montre bien toute l’estime qu’il porte à celui qui est l’entraîneur de sa première équipe depuis l’été 2013. La relation de travail entre les deux hommes n’est pas bonne: elle est excellente. Martial Diserens est un président qui a beaucoup vécu, qui est passé par quelques moments compliqués, notamment lorsqu’il était le patron de Concordia-Folgore et qu’il avait dû refuser l’accession en LNB, à l’été 1990, alors que son équipe l’avait obtenue sur le terrain. Ceux qui avaient promis de le soutenir en cas de promotion l’avaient lâché, mais il a assumé et a, lui-même, annoncé la mauvaise nouvelle à tout le monde. Pourquoi on parle de cela aujourd’hui? Pour montrer que Martial Diserens est un homme qui a de l’expérience dans le monde du football et n’est pas du genre à parler pour ne rien dire ou s’enflammer pour un rien. Il sait trop « comment ça se passe » pour tomber dans le premier piège venu.

Les mauvais moments sont passés, place aux bons

Alors, quand on lui demande si le FC Epalinges peut retourner d’où il vient, c’est à dire en 2e ligue inter, il prend un petit moment pour regarder son interlocuteur et répond calmement: « Oui, on pourrait le faire. On peut le faire, même. Mais ça, c’est uniquement parce qu’on a travaillé depuis des années, ça ne vient pas tout seul. » Pour l’instant, Martial Diserens a surtout connu les mauvais moments au FC Epalinges. Tiens, au fait, comment en est-il devenu le président? « J’amenais mon gamin au terrain, c’est tout. Et vous savez comment c’est… Vous discutez un peu, vous commencez par donner un coup de main… De toute façon, dans le football amateur, on manque toujours de monde prêt à s’engager. » Et quitte à s’engager, autant le faire bien. Alors que la première équipe venait d’obtenir le meilleur résultat de son histoire avec la 3e place en 2e ligue inter, tout s’effrite. En 2006, le président Yvon Legendre s’en va et avec lui, les ambitions de la première équipe. Tout s’effondre d’un coup, et Martial Diserens arrive comme patron dans ce contexte.

Un deuxième tour de feu

Evidemment, les relégations se succèdent. A l’été 2007, Epalinges tombe en 2e ligue, puis en 3e ligue en 2009, mais le président ne lâche rien et continue à chercher des sponsors, dans l’ombre. S’ensuivront des places en milieu de classement et rien qui permette de réellement croire à un avenir meilleur… jusqu’à l’hiver 2013-2014. « Là, en regardant le classement, je me suis dit qu’on avait un coup à jouer, même si on avait 11 points de retard. Je nous voyais plus jouer la montée l’année suivante, mais là, bon, je me suis dit que c’était possible. Et au fur et à mesure qu’on revenait, la confiance grandissait évidemment. » La suite, nos lecteurs la connaissent: les victoires qui s’enchaînent, jusqu’à ce dernier triomphe, sur le terrain synthétique d’Atlantic Vevey, synonyme de remontée en 2e ligue. Alors, pourquoi tout a fonctionné cette saison-là et pas les précédentes? Grâce à Himë Berisha, on y revient.

Une aventure qui commence par… un mois d’absence

Non pas qu’Epalinges ait eu de mauvais entraîneurs auparavant, loin de là. Pierre-Alain Brülhart et Bruno Chappuis, ses deux prédécesseurs, ne sont de loin pas les premiers venus. Souligner l’excellent travail d’Himë Berisha ne revient pas à critiquer ce qui a été fait avant, que les choses soient claires. Mais force est de constater que le charisme et les compétences de l’ancien entraîneur de Genolier-Begnins et de Forward Morges ont immédiatement convenu au club palinzard… même s’il a commencé par s’absenter un mois! « Oui, je l’ai déjà raconté, mais ça paraît fou! J’ai dit oui à mon président et deux jours après, je suis parti un mois en vacances. Je le lui avais dit, attention! Mais c’est vrai qu’il a paniqué un peu », rigole Himë. « C’est normal, non? On n’avait aucun joueur, rien! Enfin, pas personne, mais presque. J’avais l’impression qu’Himë allait demander au premier type qui traverserait la route s’il voulait venir jouer à Epalinges », grince Martial Diserens. « Il s’inquiète trop. Moi, je savais que ça allait aller », rétorque Berisha. Et effectivement, c’est allé. Pas très fort tout de suite, mais en football, c’est généralement la fin qui compte, pas le début. Et la fin, c’est une promotion en 2e ligue. Donc, forcément, l’entraîneur a gagné un certain crédit au fur et à mesure de cette année magnifique.

« Pourquoi les joueurs viennent ici? Pour mes tatouages », rigole Himë Berisha

Himë Berisha a donc amené ses compétences, mais a profité d’un effectif très intéressant pour la 3e ligue. Et là, forcément, le président y est pour quelque chose, ne serait-ce que financièrement. « Vous rigolez? Vous savez pourquoi les joueurs viennent à Epalinges? », demande Himë Berisha. Devant notre absence de réponse, il enchaîne: « Pour mes tatouages! Ils les adorent. » Et il explose de rire. Martial Diserens, sur la même longueur d’ondes, complète: « Ils aiment tellement Epalinges qu’ils paient pour venir. On est tellement bien ici, vous ne trouvez pas? » Si. Mais quand même. Le président rigole: « Allez, vous savez bien comment ça va. » Alors, président-mécène, Martial Diserens? « Non. Si vous voulez parler d’argent, je peux vous dire ceci: environ la moitié du budget global du club est couvert par les cotisations des membres. L’autre moitié, il faut aller la chercher. Comment? On fait un repas de soutien, on cherche des sponsors. Aujourd’hui, je suis fier d’annoncer que chaque équipe du club est sponsorisée. Voilà d’où il vient notre argent. On a construit petit à petit, depuis 2006, avec des partenaires réguliers, qui reviennent et nous soutiennent. Et les sponsors, si vous voulez écrire que c’est grâce aux contacts du président qu’ils viennent, vous pouvez l’écrire comme ça, ce ne sera pas un mensonge. Vous m’avez compris… »

Le FCE est de nouveau une adresse qui séduit les joueurs

Epalinges est redevenu un club attractif. Une preuve? La venue d’Abraham Keita cet hiver. L’attaquant a quitté Yverdon Sport (1re ligue) pour venir jouer la montée avec Epalinges. Il nous l’a souvent dit, venir jouer en 3e ligue ne lui parlait pas trop, mais il a trouvé à Epalinges ce qu’il cherchait, un club ambitieux, où il avait l’assurance de jouer tout le temps s’il était bon, et des conditions qui lui permettent de se sentir encore un tout petit peu footballeur. « Son arrivée nous a fait énormément de bien. Sur le terrain, il est irréprochable et en dehors, c’est un grand frère, un gars toujours positif, qui parle aux jeunes, les conseille », glisse son entraîneur. Cet été, d’autres joueurs de talent sont donc venus le rejoindre, lui et tous ceux qui étaient déjà là (les frères Serkan et Mehmet Kocapinar, Gerardo Scoppettonne, Nicolas Weber, Tomislav Miocevic, Michaël Diserens…), preuve que le « projet Epalinges » séduit.

Cristovao Da Luz et Toumi Trabelsi, deux gros renforts pour la 2e ligue

Le nom des renforts? Cristovao Da Luz (Forward Morges) et Toumi Trabelsi (Renens) sont les plus spectaculaires, mais Ludovic Fleury (Lutry) est également une recrue intéressante. Et comme tout le monde est resté, Himë Berisha croit qu’une place dans la première moitié du classement n’est pas irréalisable. Comment le président voit-il cet afflux de joueurs de qualité? « Tout ce que je demande à Himë, c’est qu’on ne soit pas 25 au contingent. Il ne faudrait que ça pour créer une mauvaise ambiance. Je veux un groupe sain, c’est tout ce que je lui demande. Les noms qui le composent, libre à lui. » L’entraîneur peut pourtant s’appuyer sur un nouveau renfort de choix au sein du club: le nouveau directeur technique Serge Mobwete.

Serge Mobwete, nouveau directeur technique

L’ancien attaquant prodige du LS (il a passé deux ans à la Juventus Turin dans sa formation) a en effet été nommé dans ce rôle-charnière, qui n’a rien d’un artifice. Dans d’autres clubs, un bon attaquant peut être nommé « directeur sportif » pour justifier une différence de rétribution par rapport aux autres. Rien de tel ici, puisque celui qui est ami avec Himë Berisha (« depuis plus de vingt ans ») ne fait plus de sa carrière une priorité: « Non, non, pas du tout. Je vais continuer à m’entraîner, mais c’est tout. Si Himë a besoin de moi parce que nous avons de nombreux blessés, je dépannerai. Mais nous avons une très belle équipe, je n’ai aucune prétention de ce genre. Par contre, je me réjouis beaucoup de mon nouveau rôle. »

L’idée? Aider les entraîneurs des petits à progresser

Il va en effet superviser l’entier du club, pas juste les actifs: « Mon idée, c’est de développer la formation, un domaine auquel je suis très attaché. Il faut que les gamins, dès le plus jeune âge, aient des entraîneurs qui sachent de quoi ils parlent. Je suis très impressionné par Pablo Iglesias, que j’estime être un des meilleurs formateurs de Suisse. J’ai la chance de le connaître, puisque j’ai été son joueur lorsque j’étais aux Espoirs du Lausanne. Il a déjà accepté de venir quelques fois à Epalinges donner des entraînements, on va essayer de mettre quelque chose en place. » L’idée? Augmenter le niveau des entraînements pour les petits. « Tout part de là. Aujourd’hui, un bon entraîneur, avec les diplômes, ne veut pas venir à Epalinges entraîner des D ou des E. Il ira en 2e ligue, en 3e ligue, là où ça paie. On ne peut pas payer un entraîneur pour des petits à Epalinges. Qui les entraîne? Des parents, qui viennent pour rendre service, parce qu’ils aiment le football. Alors, mon idée, c’est que Pablo, avec sa grande expérience, et moi, avec celle qui est la mienne, on les aide à progresser. On a envie qu’ils acquièrent les bases et qu’ils les transmettent ensuite à nos futurs joueurs, ceux qui ont 8 ans aujourd’hui. Je les sens enthousiastes, ces parents, et j’ai envie de leur apporter ces compétences-là. »

Des joueurs de la I pour parrainer les équipes de juniors

Une belle idée, qui séduit Martial Diserens: « Oui, cette idée me plaît bien. J’ai vraiment envie de renforcer l’identité du FC Epalinges, que nos enfants et que leurs parents s’identifient à nos couleurs. Pour moi, voir un gamin regarder un joueur de la première équipe avec des yeux admiratifs, c’est du bonheur. Et Serge est la personne idéale pour mener ce projet à bien. Il est éducateur spécialisé, on sent qu’il a un contact particulier avec les jeunes de tous âges. Sincèrement, je n’aurais pas créé ce poste pour quelqu’un d’autre. » Parmi les autres idées à mettre en place, celle de faire parrainer chaque équipe de juniors par un joueur de la première équipe. Serge Mobwete: « Ca aussi, on va le faire, oui. Le joueur de la I va aller à l’entraînement, aux matches, il va suivre son équipe. Et le dimanche, on espère bien que les jeunes vont venir le regarder jouer. » Un vrai esprit de club, d’autant plus facile à mettre en place qu’Epalinges ne fait partie d’aucun groupement pour ses juniors. Savigny-Forel est un peu loin et, au sud, le FC La Sallaz et Boveresses font déjà partie de Lausanne. Epalinges est donc un club de A à Z.

Martial Diserens: « La vie est faite de cycles »

On l’a compris, les choses bougent à Epalinges, et un état d’esprit nouveau anime le club. Comme nous l’a dit Martial Diserens en prenant congé: « La vie est faite de cycles, partout. On était en bas, mais même quand personne n’y croyait, je me disais qu’on allait remonter à un moment ou à un autre. » A ce moment-là, le président ne parle pas forcément de promotion sportive. Il parle de sponsoring, de gens en place, d’état d’esprit, mais aussi, bien sûr de résultats. Tout ce qui contribue à la vie d’un club, en fait. Aujourd’hui, les voyants sont au vert à Epalinges, et ce n’est pas la défaite d’entrée face à Lutry, dimanche dernier, qui va faire perdre le sourire à tout le monde. « Cette défaite? Elle m’énerve, parce qu’on s’est peut-être vus un peu trop beaux. Lutry a mérité de gagner, nous, on pensait trop que ça allait être facile. Perdre ce match, ça va nous faire prendre conscience que rien n’est acquis », conclut Himë Berisha. L’essentiel, on l’a compris, est ailleurs.

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