« Je ne travaille pas avec des faux culs »

Décontracté et amical, le champion du monde 1998 Laurent Blanc a répondu à nos questions lors d’une conférence de presse tenue mercredi. Sa venue dans la capitale olympique a été organisée par l’Association PASSION FOOT pour animer, dans l’après-midi, un entraînement à la Sélection régionale M14 de l’ACVF

Après le succès de l’an dernier avec la venue de Zinedine Zidane, PASSION FOOT a renouvelé l’expérience avec un autre grand Monsieur du football. L’ancien grand libéro de l’Olympique de Marseille, du Barça ou encore de Manchester United, est revenu sur son parcours, tant bien au titre de joueur que sur celui d’entraîneur. Il a évoqué la rumeur concernant la sélection des Etats-Unis et indirectement son parcours mouvementé au PSG ainsi qu’à la tête des Bleus. Une rencontre sincère et vibrante avec « Le Président ».

La conférence de Presse débute avec quelques mots de Bernard Jaton, heureux de pouvoir compter sur Laurent Blanc pour l’Association PASSION FOOT, et ainsi de pouvoir poursuivre l’objectif, à savoir offrir à de jeunes footballeurs vaudois l’occasion de suivre un entraînement donné par une figure marquante du football. L’entraînement étant libre, un grand nombre de passionné ont pu suivre la séance du « Président » à la Pontaise. Il précise également que cette sélection cantonale M14 est composée principalement des champions suisses M13 de l’année dernière.

 

Comment tu veux moraliser des gens qui peuvent tout acheter ?

 

(Photo: Pascal Muller)

La rumeur circule que vous pourriez être le nouveau sélectionneur des Etats-Unis, qu’en est-il ?

C’est une rumeur qui est apparue ces jours-ci, mais je n’en sais pas plus. En ce qui me concerne, cette année sabbatique m’a fait du bien. J’ai pu m’intéresser à d’autres choses que le football, j’ai la chance d’avoir d’autres passions. Des rumeurs il y en a, mais moi, ce qui m’intéresse c’est un beau projet, si on me propose un vrai challenge, je pourrais être motivé. Je me sens apte à le faire. Ce qui n’était pas le cas il y a 5-6 mois. Et si ça ne se présente pas, c’est pas grave, j’ai beaucoup d’autres centres d’intérêts que le football. Bien que cela reste ma passion numéro une.

 

Il attendait juste un peu de remerciement, et les dirigeants n’ont pas respecté leur engagement

 

Quels sont vos exigences pour accepter un nouveau challenge ?

Je ne parlerais pas d’exigence, il faut qu’on me donne la chance de gagner. Je suis conscient qu’il y a d’autres entraîneurs sur le marché et en recherche d’un poste, mais si l’occasion se présente, je donnerai tout pour la saisir. Si je juge que le projet n’est pas intéressant je m’orienterai sur autre chose.

Vous avez été sélectionneur et entraîneur, quel métier préférez-vous ?

Ce sont des rôles semblables, mais à mon avis, ce sont deux professions totalement différentes. Avec le club vous avez les joueurs et le staff en continue. Vous avez votre mot à dire sur le recrutement. Vous pouvez travaillez durant toute l’année avec vos joueurs. L’équipe nationale c’est très compliqué car vous prenez des joueurs à travers toute l’Europe, avec peu de temps pour travailler. Donc si vous êtes chanceux, vous pouvez tomber sur une génération qui a de la qualité, vous pouvez éventuellement faire de bons résultats, mais vous n’avez que très peu de compétitions. Concrètement vous en avez deux : le Championnat d’Europe et la Coupe du Monde. C’est donc très compliqué d’obtenir des résultats, à moins de rester un certain temps pour faire progresser une génération. Ma préférence, si j’en ai une, c’est plutôt le club, mais une sélection avec une bonne génération est un défi très intéressant.

Le métier d’entraîneur est difficile, quand une équipe gagne c’est grâce aux joueurs, mais quand un objectif n’est pas atteint c’est la faute de l’entraîneur. La réussite ou non d’un entraîneur dépend des joueurs. En tant que joueur j’étais conscient de mon niveau, mais en tant que coach, tu dépends de tes joueurs. Ce sont eux qui réalisent ou sabotent tes plans sur le terrain, c’est la grande différence entre les deux rôles.

Avez-vous un gout d’inachevé avec l’équipe de France ?

Non, mais c’est vrai que j’avais prévu de rester plus longtemps avec l’équipe nationale. Ce qui n’était pas prévu c’était de reprendre l’équipe de France après l’Afrique du Sud. C’était un rêve pour moi, de pouvoir diriger l’équipe nationale, mais cet épisode en Afrique du Sud a été un moment très dur pour le football français et difficile à surmonter. On l’a fait tant bien que mal durant deux ans. Puis, il y a eu une incompatibilité avec le président de la FFF. J’étais en fin de contrat et j’ai décidé de stopper avec la Fédération Française de Football. On aurait pu continuer et travailler pour aller au Brésil en 2014. C’est quand même sympa de faire un mondial au Brésil, mais c’est Deschamps qui l’a fait. Faut pas avoir de regrets, et puis j’ai rebondi avec le Paris-Saint Germain. C’est la vie. c’est mon chemin, il est comme ça, il faut l’accepter.

 

Si le PSG continue à exercer sa puissance financière, ils gagneront la Champions League.

 

Pouvez-vous nous dire les vraies raisons de votre divorce avec l’équipe de France et seriez-vous intéressés à la rediriger si l’occasion se représente ?

Je vous l’ai dit j’étais en fin de contrat… On ne m’a rien proposé alors je suis parti. Après tout est envisageable, peut-être que je pourrai y retourner. C’était un rêve et si ça devait se représenter j’y réfléchirai car l’équipe nationale est quelque chose de spécial pour moi. J’ai fait tous mes choix de club en fonction de l’équipe nationale.

Son ami Alain Migliaccio (qui a été son agent durant sa carrière) fulmine et prend la parole pour clarifier la situation : « je me suis occupé de Laurent pendant plus de 20 ans. C’est un gagneur, un battant. Laurent a apporté à l’équipe de France ce que l’on attendait de lui. il faut se rappeler d’où venait la sélection : l’Afrique du sud, le scandale qui avait éclaté. Il  fallait reprendre les joueurs et tout reconstruire. Il fallait faire tout le boulot, je vous le dis, car il ne vous le dira pas Laurent, mais Noël Le Graët (Président de la FFF) a été incorrect avec lui. Laurent c’est quelqu’un de profond, de sensible, c’est une personne entière. C’est un type de cette génération des Zidane et compagnie. Quand il y avait quelque chose a dire, ces gars le disaient et lorsqu’il était sélectionneur, Laurent a senti que Le Graët n’était pas franc, alors il a conclu – je ne travaille pas avec des faux culs -, et il a eu raison. Personne ne pouvait remonter l’image de l’équipe de France, il n’y avait plus de sponsors et il fallait quelqu’un pour remonter cette équipe. Celui qui a redoré le blason c’est Laurent Blanc. Il l’a fait et attendait juste quelques remerciements. Les dirigeants n’ont pas respecté leurs engagements. A partir de là, Laurent a pensé – bon on ne m’aime plus – Laurent Blanc intervient en riant : « C’est un raccourci (rires), c’était plus compliqué que ça, mais dans les grandes lignes c’est ça. »

Vous devenez alors l’entraîneur du Paris Saint Germain et vous y rester pendant trois saisons avant d’être remplacé par Unai Emery. Comment l’avez-vous vécu ?

J’aurai aimé continuer mais c’était éprouvant. C’est très excitant et éprouvant à la fois. Alain Migliaccio intervient à nouveau : « Si vous lui aviez donné un Mpabbé et Neymar, il vous l’aurait gagner la Champions League ! »  (Rires) Quand vous faites 3 ans dans un grand club, c’est nécessaire de faire une année sabbatique. Maintenant, je me sens à nouveau prêt.

J’ai fait tous mes choix de club en fonction de l’équipe nationale.

 

Vous avez été un joueur emblématique de l’OM et par la suite, entraîneur du PSG. Avez-vous subit la foudre des supporters ?

Je respecte les deux clubs, sans avoir un avis tranché sur l’un ou l’autre. Ce sont deux grands clubs du football français et on a besoin de ces clubs pour rattraper le retard du football français en Europe. J’espère qu’il y aura d’autres clubs français pour compléter les succès historique de l’Olympique de Marseille.

Laurent Blanc et Bernard Jaton (à droite) durant la conférence de presse. (Photo: Pascal Muller)

Le PSG a réalisé deux transferts aux montants astronomiques, ne faudrait-il pas lutter contre cela ? Moraliser les grands « patrons » du football ?

Comment tu veux moraliser des gens qui peuvent tout acheter ? C’est difficile de réguler tout ça, il y a un « fair-play financier » en place et désormais il y a des gens qui savent comment faire pour le contourner. Au final, c’est toujours le même constat, il existe des puissants et des moins puissants. Il y a des clubs qui peuvent acheter des joueurs à des prix exorbitants et d’autres qui sont très limités avec un petit budget, mais si ils pouvaient le faire, ils le feraient aussi. Malgré ça, tu n’as aucune garantie de gagner. Tu as plus de chance mais sans garantie. Il suffit de voir des clubs comme Chelsea, pendant dix ans ils ont acheté sans compter, mais ce n’est qu’à la onzième année qu’ils ont gagné la champions League. Je l’avais déjà dis quand j’entraînais le Paris Saint Germain et je le redis, si le PSG continue à exercer sa puissance financière, ils gagneront la Champions League. Quand ? Je ne sais pas, mais ils la gagneront.

En tant que joueur, quel est le souvenir le plus fort de votre carrière ?

Mon meilleur souvenir reste le succès en coupe du monde. J’imagine que gagner une Champions League doit être palpitant mais le mondial était intense, et en plus à la maison en France. J’ai eu la chance d’avoir une carrière riche et longue. J’ai connu le très haut comme le très difficile, mais le souvenir le plus intense est cette réussite en 1998.

Le football amateur et le football professionnel vivent dans deux univers différents, n’est-il pas envisageable d’avoir un meilleur équilibre financier ?

Sans le pro il n’y a pas d’amateur et sans l’amateur il n’y a pas de pro. C’est le serpent qui se mord la queue. L’un est l’autre sont indispensables à chacun. Je suis président d’un club amateur, je connais le fonctionnement d’un club non professionnel, tout comme je connais celui d’un club professionnel. C’est un sujet que je connais très bien et qui m’intéresse beaucoup. Évidemment que le centre du problème est l’aspect financier, car il y a en a un qui a de la peine à vivre et l’autre qui marche sur la tête. Il faudrait une contre balance, mais ce n’est pas si simple que ça. Il y a déjà des choses qui changent. Aujourd’hui, le club qui a formé un joueur va toucher une indemnité lors d’un transfert, ce n’était pas le cas avant.

Vous allez donner un entraînement à des jeunes de 14 ans, qu’allez-vous leur apprendre ?

Je ne les connais pas, c’est peut-être eux qui vont m’apprendre des choses. Le football a changé et aujourd’hui, quand tu as 14 ans, tu es conscient que le football peut devenir un métier. Moi à leur age j’en avais pas conscience. C’est génial de pouvoir progresser et s’amuser pendant 1h15 avec le plus beau des cadeaux… le ballon.

Bernard Jaton clos la conférence en annonçant que l’invité de l’année prochaine est un entraîneur français en activité depuis 20 ans dans le championnat anglais. Le rendez-vous est donc donné et sans le dire, Monsieur Jaton nous annonce la venue d’Arsène Wenger pour 2018.

Plus tard dans l’après-midi, l’ancien champion du monde à donné l’entraînement à la sélection régionale M14 de l’ACVF dans le stade de la Pontaise à Lausanne.

Laurent Blanc a donné un entraînement à une sélection de l’ACVF, à la Pontaise. (Photo: Pascal Muller)
(Photo: Pascal Muller)
(Photo: Pascal Muller)
(Photo: Pascal Muller)

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