Eric Rameau, un homme qui marque

Avec 12 buts cette saison, Eric Rameau prouve être plus que jamais en forme, lui qui a pour mission de mener l’attaque de Montreux. Né à Paris il y a 34 ans, cet attaquant très élégant veut retrouver la 2e ligue inter, lui qui a marqué des buts dans toutes les catégories de jeu de la LNB à la 2e ligue depuis son arrivée en Suisse, il y a 10 ans. On avait souvent dit du bien de lui dans ces colonnes, mais sans jamais lui avoir parlé, même une minute après un match. On a donc cherché à en savoir plus et il nous a gentiment accordé une interview, le temps de deux cafés en fin d’après-midi, juste avant de prendre le chemin de l’entraînement.

Eric Rameau, racontez-nous ce jour de 2004 où vous décidez de venir en Suisse…

Ah, on commence par là? Je jouais en CFA, à Poissy, et j’ai lu une annonce dans France Football. Un agent proposait de mettre des joueurs en contact avec des clubs en Suisse. Ca me disait bien, j’ai appelé, et voilà. Je me suis retrouvé à faire trois jours à Bex, où j’ai rencontré Alain Baré. Ca a été la Suisse, mais ça aurait pu être le Japon ou les Etats-Unis (rires). Mon rêve, c’était l’Angleterre, mais bon, je n’avais pas les contacts.

Vous n’aviez pas d’agent en France?

Oui, j’avais quelqu’un qui s’occupait de moi. Pas vraiment un agent officiel, plus un conseiller. Mais bon, sur ce coup-là, je me suis débrouillé seul.

Et vous débarquez donc à Bex, en 1re ligue. Ca doit changer de la vie en région parisienne!

Ah oui, monsieur! Ca fait un peu cliché de dire ça, mais les magasins qui ferment à 18h, ça surprend un peu. Mais bon, c’est rien du tout, franchement. Je suis quelqu’un qui m’adapte vite et qui ne me plaint pas. J’étais venu pour le foot, il y avait une belle pelouse à Bex, ça me suffisait. Et ça me suffit toujours, d’ailleurs.

Mais aujourd’hui, vous travaillez à côté du football, ce qui n’était pas le cas à l’époque…

C’est vrai, j’étais venu pour le football.

Passer de la CFA à la 1re ligue, c’est facile? C’est un peu le même niveau, non?

Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que la 1re ligue, c’était plus costaud à l’époque qu’aujourd’hui. Carouge, Meyrin, Serrières… Ca jouait vraiment bien. En France, c’était plus physique, tu jouais contre des réserves pro et contre de très belles équipes aussi. En région parisienne, il faut aller au charbon, je vous promets! En Suisse aussi, mais un peu moins… La grosse différence en fait, c’était le public. A Mantes, on jouait devant 600 ou 700 spectateurs. En Suisse, il y a moins d’intérêt pour le football, je l’ai vite constaté.

Vous venez de Poissy?

Non, j’ai commencé le football à Mantes-la-Jolie, à l’ouest de Paris, en Île-de-France. De très belles années, puisque nous avons réussi deux promotions successives, de la DH à la CFA, en deux ans. Je suis allé à Poissy après, juste avant de découvrir la Suisse.

Et vous vous y êtes tellement plu, que vous n’en êtes plus jamais parti!

Si, une fois.

Pardon?

Vous ne le saviez pas? Entre Bex et Montreux, je suis retourné une saison à Mantes…

On avait oublié ça… Pourquoi être parti?

Disons que la France me manquait un peu. Je ne peux pas vraiment l’expliquer, en fait. A ce moment-là, j’avais envie de rentrer, mais je suis revenu à Montreux, toujours avec Alain Baré.

Paris vous manque toujours un peu?

La famille et les amis me manquent, forcément. J’aime bien rentrer à Paris quand j’ai un long week-end pour les voir, même si mes parents sont retournés en Guadeloupe maintenant.

Vous étiez déjà impressionnant à Bex, mais c’est à Montreux que vous explosez, dans un championnat de 2e ligue qui était un peu facile pour vous… Ca doit être génial pour un attaquant, quand tout rentre, non?

Oh, j’en ai raté quand même…. Mais c’est vrai que j’en ai quand même mis pas mal, je vous l’accorde (rires). Plus sérieusement, je n’en ai pas mis assez, puisque nous avons raté l’ascension en 2e inter.

Vous aviez perdu en finales contre Le Mont, on s’en rappelle bien...

Oui, un souvenir à oublier, si j’ose dire.

Mais cette belle saison personnelle, tout de même, vous permet de signer avec Delémont, en Challenge League, à l’été 2007.

Oui. En fait, les premiers contacts avaient démarré lorsque j’étais à Bex, en 2004. Nous avions joué un match de Coupe de Suisse face à Concordia Bâle, que nous avions largement perdu. Concordia était entraîné par Marcel Hottiger, qui avait aimé ma performance. Apparemment, il avait continué à me suivre et m’a fait venir en 2007, comme vous l’avez dit, à Delémont, où il avait été nommé peu auparavant.

Comme quoi, passer de la 2e ligue à la Challenge League, c’est possible! Facile de se mettre au niveau?

Le premier entraînement, ça va un peu vite. C’est clair que quand tu arrives, tu fais un bête 5 contre 2, et tu t’aperçois que ce n’est pas à deux touches comme en 2e ligue, mais à une touche… Tu tournes un moment au milieu, mais après, bon, tu t’habitues. En fait, tu te mets vite à niveau. Tu ne fais que ça de la journée, tu t’entraînes cinq ou six fois par semaine, quand même.

Dans notre souvenir, vous aviez fait un début de saison prometteur, mais n’aviez pas vraiment eu votre chance ensuite… Vous confirmez?

Oui, plus ou moins. J’ai été titulaire en début de saison, mais je n’ai pas marqué. J’ai eu des occasions, j’estime que je n’ai pas été mauvais. Mais vous savez comme moi qui ce qui compte pour un attaquant, c’est le but…

Et vous vous êtes retrouvé sur le banc…

Oui, je n’ai pas tout compris. Et aller discuter, c’était difficile. Alors j’ai fait ce que chacun doit faire dans cette situation: se taire et travailler. Je n’ai rien lâché.

Que vous a-t-il manqué?

Un peu de temps, je pense. Et de la réussite, aussi. Après, ça peut aller tellement vite… Si je mets un but ou deux dans ces premiers matches de la saison, je me retrouve avec mon nom et ma photo dans le journal du lendemain, et là, l’entraîneur ne peut plus me sortir de l’équipe (rires). Bon, c’est vrai que ce n’était pas une saison évidente. Nous avons d’ailleurs été relégués. Et Marcel Hottiger s’est fait licencier en cours de saison, au début du deuxième tour. Il a été remplacé par Vittorio Bevilacqua, qui m’a fait un peu plus jouer en fin de saison. Mais nous n’avons pas pu empêcher la descente.

Malgré votre but victorieux contre Bellinzone!

Oui, je peux dire que j’ai marqué un but en Challenge League. Ce qui ne m’a pas empêché de quitter Delémont après la relégation pour retourner à Montreux.

Pourquoi?

Parce qu’ils m’ont fait comprendre qu’ils avaient besoin de moi. Le MS avait de l’ambition en 2e ligue, et Delémont venait de chuter en 1re ligue… Voilà, j’avais envie de retrouver Montreux et à ce moment-là, je me suis dit que j’allais mettre un peu le football derrière. J’ai privilégié ma reconversion, et je pense aujourd’hui que j’ai fait le bon choix.

Vous faites quoi dans la vie?

Je travaille à La Poste. Je me lève très tôt le matin, mais je peux profiter de mes après-midis et j’ai bien le temps d’aller à l’entraînement. Et comme je n’ai personne ici, pas de femme ou de famille, je profite simplement de la vie et du temps libre (sourire).

En fait, vous n’avez pas connu énormément d’entraîneurs, en 10 ans en Suisse! Parce qu’après Montreux, vous avez suivi Alain Baré à Monthey, c’est juste?

J’ai connu trois entraîneurs. Deux à Delémont en une année, et Alain tout le reste du temps. Et Cédric Faivre aujourd’hui, comme entraîneur-joueur bien sûr.

En regardant votre parcours, il y a une évidence: Alain Baré y a une place importante. Quel est votre rapport avec lui?

Le feeling est tout de suite passé. Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il est ambitieux. Avec lui, il n’y a pas de ventre mou, de 8e place ou de « On prépare la saison prochaine ». Lui, il veut gagner, tout le temps. J’aime beaucoup. Il n’y a pas de laxisme, pas de relâchement, il te met toujours la pression. Ca peut parfois être saoûlant, car, après une victoire, tu as envie de te relâcher un peu, de déstresser… Mais avec lui, c’est impossible!

On a vu ça après la victoire face à Stade-Lausanne II… Vous avez gagné 7-2, mais vous, personnellement, n’avez pas marqué. Et il vous en a fait le reproche!

Ah, vous voyez, vous êtes témoin (rires)! Plus sérieusement, c’est un gagneur, un homme qui ne veut jamais perdre, et ça rejaillit sur tout le monde. Je n’ai que du bien à dire de lui.

Est-ce compliqué pour vous d’écouter Cédric Faivre, votre entraîneur-joueur depuis cet été? Il est plus jeune que vous…

Je l’écoute tout le temps. C’est l’entraîneur, c’est normal. Il dit, je fais. Le patron, il l’est. J’ai lu sur votre site qu’il disait ne pas être un leader naturel, mais je pense qu’il se trompe. On le respecte beaucoup et on applique ses consignes à la lettre. Après, c’est normal que nous, les anciens, on ait des choses à dire. Ca fait partie de la vie de tous les groupes. Si je vois quelque chose qu’il pourrait améliorer ou si j’ai un moyen de l’aider, je vais lui le dire, mais pas devant le groupe. Ca me semble tout à fait normal. Il n’y a pas que moi, mais tous les plus expérimentés de l’équipe.

A 34 ans, vous secouez la tête parfois, quand vous voyez l’attitude des plus jeunes?

Non, pas du tout. Les générations changent, c’est tout. Je vais vous apprendre un scoop, à vous le journaliste, sous forme de citation: « Avant, c’est terminé » (rires).

Il y a des joueurs qui regrettent cet « avant »…

Et ça amène à quoi? Aujourd’hui, il y a plus de libertés dans un vestiaire, les jeunes se permettent des choses que l’on n’aurait jamais imaginé faire. Quand vous les voyez envoyer un SMS dix minutes avant le match, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser à la soufflée que vous auriez prise à leur place… Avant, le téléphone, il était éteint. Mais on fait quoi? Moi, je ne suis pas un capitaine-policier. Par contre, sur le terrain, il faut assurer, c’est tout. Et ça, ça n’a pas changé.

C’est là que tout se joue aujourd’hui?

Mais oui, bien sûr. Je ne serais jamais sorti avant un match, mais maintenant, tu ne peux plus demander ça. Alors, qu’ils sortent! Mais sur le terrain, mon ami, tu as intérêt à courir. Parce que là, sinon, tu vas te prendre une soufflée. Ca, heureusement, ça n’a pas changé, et vous ne m’entendrez pas dire que c’était mieux avant. Fondamentalement, ça change quoi d’éteindre son téléphone ou pas? Si de la 1re à la 90e t’es à bloc et tu fais la différence, envoie tous les SMS que tu veux (rires)!

Entraîner, ça vous parle? On ne veut pas vous vexer, mais vous avez 34 ans…

Je n’y pense pas. Et oui, vous me vexez! Je suis un joueur, qui a des objectifs, et l’actuel est d’obtenir la montée en 2e ligue inter avec Montreux. Après, oui, je penserai à la suite, toujours dans le football. Il faut rendre au jeu ce qu’il t’a donné.

Après le football, vous imaginez rentrer en France? Ou rejoindre les parents en Guadeloupe?

Oh ça, je ne sais pas. Tout est ouvert.

Bon, on revient au présent, pour conclure: les finales, ça devrait le faire, non? Si on vous dit que Montreux est plus fort qu’au premier tour, vous êtes d’accord?

Individuellement, oui, et collectivement, ça commence à venir. Le but, c’est d’assurer les finales, mais aussi d’essayer de rattraper Morges.

Vous êtes un attaquant rapide, mais qui ne refuse pas le duel. Les coups sont les mêmes en 2e ligue qu’en Challenge League?

Bon, la différence, c’est que plus tu montes, moins il y a de maladresse. En 2e ligue, des fois, tu prends une sonnée parce que le défenseur a pas anticipé ton dribble. Plus haut, le mec te fait mal, mais il sait pourquoi (rires).

Il n’y a pas que les défenseurs… On a vu des attaquants mettre de jolis coups de coude aussi, même si ce n’est pas trop votre style!

Oui, je confirme, il y a des crapules parmi les défenseurs, mais il y en a aussi chez les attaquants (rires)! Pour moi, ça fait partie du jeu. Les petits coups au genou, celui qui te marche sur le talon… Bien sûr que tu prends des coups et que tu en mets, même si je vous promets que la Suisse à côté de la CFA c’est un jardin d’enfants. J’aime bien les attaquants qui ont du caractère. Il y avait Rainier Bieli, un vrai taureau! Et Gaspar, qui a joué à Vaduz et à Lausanne! Lui aussi, il était puissant. Je pense aussi à Renato Rocha, que j’aime beaucoup. Toujours en train de gueuler, il a la grinta, et il met les ballons au fond. Quand tu l’as dans ton équipe, tu peux être content. Le mec, il ne va jamais lâcher.

Le classement des buteurs, vous y en pensez? Eric Rameau, meilleur buteur de 2e ligue, c’est une ligne dans un CV?

Miki Custodio a de l’avance, je sais, mais je vais essayer de le rattraper, ça c’est sûr. Après, s’il est seul devant le but, je serai obligé de lui faire la passe, c’est automatique (rires).

En espérant qu’il tire à côté, si vous menez 3-0?

Mais non (rires)!

Articles récents

2ème Ligue

Dardania s’offre le doublé !

Une nouvelle fois, rien n’a été simple pour Dardania. Pourtant, à la fin, ce sont encore les Lausannois qui gagnent. La réserve de Bavois menait