«C’est quoi un entraîneur d’élite ? Je suis un entraîneur de football, moi»

Les joueurs du FC Chêne Aubonne (3e ligue) ont eu une belle surprise cette saison! Leur nouvel entraîneur s’appelle en effet Giovanni Vavassori. L’ancien entraîneur de Team Vaud 18 et M21, de Colombier, de Servette M21 et de Bavois, et adjoint au LS, à Delémont, et Fribourg, a en effet accepté le challenge de la 3e ligue, une toute nouvelle étape dans sa carrière.

Avec trois victoires en trois matches de championnat, et une qualification en Coupe vaudoise face à Pied-du-Jura (2e ligue), « l’effet Vavassori » est déjà bien présent à Aubonne. Cette découverte du football amateur est donc une réussite pour l’instant, et le technicien de 54 ans a accepté de revenir, pour nous, sur ce choix de carrière qui a pu paraître étonnant à certains.

Giovanni Vavassori, pourquoi et comment êtes-vous devenu l’entraîneur du FC Chêne Aubonne?

La première partie de la réponse, elle est claire: parce que je n’avais pas d’autre choix sportif. C’est la seule offre que j’ai reçue, j’étais bien obligé de l’écouter (rires). Je rigole un peu, mais c’est la vérité. Les places sont chères dans le football romand. Il y a beaucoup de prétendants. Vous savez, pour entraîner plus haut, il faut déjà avoir la proposition. C’est comme ça que cela se passe. Je ne suis pas du tout du genre à faire vingt-six téléphones, à mandater un agent.

D’accord, mais pourquoi Aubonne? Après le LS, Delémont, Fribourg et Servette, cela semble étrange, non?

En fait, je travaille à La Poste, et j’ai postulé pour la place de directeur du bureau à Aubonne. Je l’ai obtenue et les gens du club l’ont entendu. J’ai donc reçu un téléphone de Roland Schär, et j’ai dit oui, tout simplement.

Comment avez-vous réagi à ce téléphone?

Je n’ai pas du tout mal réagi, bien au contraire, si c’est ce que vous voulez dire. J’étais plutôt content! J’aime tellement entraîner, j’ai tellement de plaisir à venir au foot le soir que j’ai accepté cette nouvelle expérience. C’est facile ici, je finis le boulot à 18h, on se voit à 19h15 deux fois par semaine… C’est plus facile qu’à Fribourg, où je devais trouver des arrangements pour partir à 16h.

Justement, votre expérience à Saint-Léonard n’a pas été une totale réussite…

Cela a été une immense déception, à tous les niveaux. On a beaucoup parlé de Fribourg, en disant que nous avions de gros moyens, mais les gens ne voyaient pas l’envers du décor. On a cru se renforcer en accueillant des joueurs soi-disant de renommée. Mais au lieu de se renforcer, on s’est affaibli. Parce qu’accumuler les individualités, ce n’est pas construire une équipe. Est-ce que les nouveaux joueurs ont été mal reçus par les anciens? Est-ce que les joueurs qui sont arrivés se sont sentis à l’aise et ont tout fait pour s’intégrer? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que cela a été une saison compliquée.

Seriez-vous prêt à retravailler avec John Dragani, qui était l’entraîneur principal et vous l’adjoint, ou aimeriez-vous entraîner seul?

Les deux. Repartir avec John me plairait bien, on s’entend très bien, on est même devenus des amis. Ce ne serait vraiment pas un problème. De toute façon, je n’ai pas la licence UEFA Pro pour entraîner seul tout en haut. Par contre, j’ai un master en condition physique. Je l’avais fait pour justement avoir une opportunité d’intégrer un staff, comme adjoint. Bon, comme je vous l’ai dit, il y a peu de places…

Bon, revenons au présent, et au téléphone de Chêne-Aubonne.

En fait, ce qui m’a vraiment décidé à dire oui, c’est lorsque j’ai pris connaissance du contingent. Il n’y a que des jeunes ici! Le plus vieux, il a 24 ans… Et moi, j’ai toujours été à l’aise avec les jeunes joueurs.

Vous avez une large expérience dans ce domaine, c’est vrai. Mais entraîner des M18 ou des M21, ce n’est pas comme entraîner des joueurs de 3e ligue…

C’est l’évidence même, et la différence est claire. Les M18, ils jouent pour espérer faire une carrière professionnelle. Ils veulent tout faire pour y arriver. Les jeunes que j’ai ici à Aubonne, ils sont surtout là pour jouer au foot et prendre du plaisir. Mais cela n’empêche pas de progresser!

Il n’y aurait donc finalement pas une telle différence?

Oui et non! Certains des jeunes que j’ai ici, ils ont facilement le niveau pour jouer en 2e ligue, voire plus haut. Ils pourraient très bien jouer dans des catégories de juniors que j’ai entraînées, mais il faudrait qu’ils s’entraînent un peu plus. En fait, ce que je regrette, c’est que certains de ses jeunes ne sont pas conscients de leur potentiel. S’ils voulaient en faire plus, ils y arriveraient peut-être.

Mais certains ne peuvent pas, tout simplement… Il y a l’apprentissage, le boulot…

Vous avez raison, et sincèrement, je pense que la principale différence est là. Progresser, c’est d’abord s’entraîner plus.

Vous nous dites donc qu’il n’y aurait pas tellement d’écart entre le Team Vaud et les juniors dans les clubs et les mouvement régionaux. C’est intéressant ça, surtout venant de votre part.

Je dis ce que je vois, et ce que je pense. C’est peut-être un défaut dans le monde du football, je sais (sourire). Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit non plus. Ici, on fait deux entraînements par semaine. Il faut travailler la condition physique, la technique, la tactique, tout ça en deux séances. C’est quand même une grosse différence.

Est-ce que c’est facile pour vous de vous intégrer à ce monde-là?

Eh, ce n’est pas non plus un autre monde! C’est le football, je savais très bien où je venais.

Qui dit football de 3e ligue, dit bière après les entraînements et les matches…

Oui, j’ai bien compris que c’était une obligation (rires)! Mais ce n’est absolument pas un problème, au contraire. Mes joueurs m’ont proposé d’aller manger un truc après le prochain match. Je leur ai répondu que s’ils gagnaient, je les invitais tous à la maison. Je trouve cela normal, mais c’est sûr que je ne l’aurai jamais fait avec des M18. Avec eux, vous n’organisez rien en dehors du foot.

Pourquoi?

Parce que les parents, tout de suite, auraient été méfiants. J’aurais eu beaucoup de questions et de remarques, c’est sûr. Et si je parlais avec un joueur, on me dirait: « Pourquoi lui? » et on penserait que je le favorise… Alors que là, ça fait partie du foot, et tant mieux. Moi, je pense que cela peut apporter un plus, de côtoyer les joueurs différemment, dans un autre contexte. On apprend à se connaître. Boire une bière, manger une saucisse, cela permet de partager un peu. Et cela n’enlève rien au respect qu’ils portent à leur entraîneur. Enfin je crois…

Vous avez idéalement commencé le championnat, avec neuf points en trois matches et la qualification face à Pied-du-Jura…

Oui, c’est bien, mais ce qui me réjouit, c’est que l’on arrive à allier le résultat à la manière. Mon credo, c’est qu’il est possible de gagner en jouant au football depuis derrière, en faisant circuler le ballon. On peut battre ceux qui balancent sur les deux attaquants et qui passent en force.

Avez-vous un adjoint?

Non. Je sais que c’est un peu étrange, parce que je suis le premier à dire qu’il faut du monde dans un staff pour bien travailler. Mais j’ai préféré avoir un soigneur. Il est avec nous le week-end et vient parfois en semaine. Il a fallu faire un choix, on a fait celui-là.

Pensez-vous vous rester longtemps à Aubonne?

On a discuté pour une saison. Mais le foot, vous savez ce que c’est… Lorsque j’étais l’adjoint de Bertine Barberis à Lausanne, il a dit une phrase qui m’a marqué.

On se réjouit de la connaître…

Il m’a dit: « Tu vois Vava, là, on vient de signer notre contrat. Le boulet rouge au dessus de notre tête est parti. Maintenant, il faut juste attendre le moment où il nous retombe sur la gueule! »

Ce qui veut dire que vous imaginez pouvoir être remercié à Aubonne?

Eh, il faut des résultats, c’est le foot. Si je fais quatre matches sans victoires, il se passe quoi?

Quand même, vous avez un certain statut! D’ailleurs, est-ce que vous sentez que les joueurs sont fiers de vous avoir comme entraîneur? Comment avez-vous été accueilli?

Très bien, mais ce n’est pas important pour moi qu’ils aient de la fierté ou ce que vous voulez. Ce qui compte pour moi, c’est qu’ils aient envie et qu’ils soient honnêtes. S’ils ne veulent pas venir à l’entraînement, je veux qu’ils me le disent. C’est important qu’ils aient du plaisir, pas qu’ils commencent à courber l’entraînement parce que leur grand-père est mort pour la quatrième fois de l’année, vous voyez ce que je veux dire?

Assez bien, oui…

Pour moi, je vais vous dire, c’est même très gratifiant d’être ici. On m’a dit « Tu verras ci et ça… », on a essayé de me mettre en garde contre la 3e ligue et Aubonne… Mais me mettre en garde contre quoi? Je suis assez grand, merci… Je suis un peu épaté par ces joueurs, je dois vous le dire. On est toujours entre 14 et 16 à l’entraînement, et ceux qui ne peuvent pas venir m’écrivent. Il y a des gens qui m’ont dit: « Tu vas dans une galère ». Mais pour l’instant, c’est une galère assez paisible.

Au point de viser la promotion ou les finales en fin de saison?

Ah, ça, ce serait un beau cadeau, non? Il y a le 100e anniversaire l’an prochain, j’imagine que ça ne serait pas malvenu de faire une belle saison pour lancer la fête. Mais on y arrivera seulement en jouant. Si on joue bien, on gagnera des matches. Si on gagne des matches… Bon, vous avez compris la suite (rires).

N’avez-vous pas peur pour votre réputation? Excusez-nous pour cette question, mais vous êtes un entraîneur d’élite, donc vous auriez pu avoir des réticences à venir en 3e ligue…

Mais quelles réticences? Et c’est quoi un entraîneur d’élite? Je suis un entraîneur de football, moi. Je n’ai jamais cherché à dire ce que j’ai fait dans le football. Celui qui veut savoir où a entraîné « Vava », il le sait. Je n’ai pas l’envie de le dire, ni le besoin. Mais pour répondre à votre question, non, je n’ai aucune crainte. Et je vais vous dire une bonne chose…

On vous écoute…

Ceux qui me parlent du football d’élite, ce sont souvent ceux qui le connaissent le moins. Vous avez parlé avant des clubs où je suis allé. Bon, le football d’en haut, je le connais un petit peu. Mais ceux qui me font des grandes théories, ce sont souvent ceux qui n’y sont jamais allés. C’est comme ça, hein… Non, vous êtes gentil de vous inquiéter pour ma réputation, mais ce n’est pas une question que je me pose.

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