Ephraïm Fungula, du rêve au cauchemar

A bientôt 17 ans, Ephraïm Fungula, que Blaise Nkufo a pris sous son aile, allait débuter son rêve: il rejoignait les Young Boys de Berne pour un test à moyen terme. Malheureusement, le joueur lausannois passé par Renens, Orbe, Lausanne City ou encore Malley, souffre d’une grave blessure qui le tiendra éloigné des terrains pour un bon moment. Histoire d’un jeune homme touché, mais pas abattu.

L’histoire était belle, elle s’est désormais fortement assombrie. Né en juillet 2008, le Lausannois Ephraïm Fungula allait tenter de réaliser son rêve de devenir footballeur professionnel de l’autre côté de la Sarine. C’est à YB, qui l’avait intégré en test jusqu’à la fin de la saison, que le jeune milieu de terrain allait essayer d’imiter des joueurs comme Jean Onana (Genoa), ou Martin Hongla (Grenade), issus de la Nkufo Academy Sports, l’académie de football fondée par Blaise Nkufo au Cameroun.

« On m’a présenté Ephraïm lorsque je suis revenu en Suisse, il y a bientôt deux ans, explique l’ancien international suisse. Son entourage était intéressé à bénéficier de la formation que j’offre. En le voyant jouer, j’ai estimé qu’il avait un potentiel intéressant. »

Caractérisé par sa taille imposante dès son plus jeune âge (il mesure aujourd’hui 1m92 pour 87 kg), Ephraïm Fungula a été lancé très jeune dans le bain du monde des actifs par Blaise Nkufo, au sein des différentes équipes qu’il a dirigées. « Alors qu’il n’avait que 14 ans, j’ai estimé qu’il disposait déjà des qualités physiques nécessaires pour jouer contre des adultes. C’est comme ça que l’aventure à Lausanne City a commencé, puis s’est poursuivie à Romanel et Orbe, avec toutes les péripéties que l’on connaît. Ça a toutefois été l’occasion pour moi d’inculquer à mes jeunes joueurs des bases techniques et tactiques. »

« C’était, selon beaucoup, une folie de faire jouer un jeune de 15 ans en 4e ligue avec des adultes. Mais Blaise a vu en lui quelque chose que les autres ne voyaient pas, et lui a fait confiance », explique Elete Fungula, le père d’Ephraïm.

Un parcours atypique

A 16 ans et demi, c’est sur le tard que le joueur né à Charlotte (USA) a eu l’occasion de rejoindre le centre de formation d’un club professionnel. « C’est un jeune qui a toujours été le plus grand de sa génération. Souvent, lors des tests, il n’était pas retenu à cause de sa trop grande taille. La nature lui a offert des qualités physiques indéniables, mais il dispose également de qualités techniques, le rendant capable de dribbler et casser des lignes par ses passes », analyse le meilleur buteur de l’histoire du FC Twente.

Après avoir passé ses classes juniors à l’ES Malley et au FC Renens, Ephraïm Fungula a suivi Blaise Nkufo à Lausanne City, Romanel, puis Orbe, avant de revenir au FC Renens pour rester en forme à la suite de leur aventure urbigène. Ricardo Marques, l’entraîneur renanais, en garde l’image d’un joueur marquant. « Ses qualités physiques faisaient la différence en 2e ligue. Avec mon assistant, on a tout de suite remarqué qu’il pouvait être un joueur d’élite. Il a toutes les qualités: techniques, tactiques, intelligence de jeu, et avec la tête sur les épaules. Ceux qui l’ont vu jouer se sont tous demandé: « mais qui est ce jeune ? »

Ephraïm Fungula (numéro 23) sous le maillot du FC Orbe. /Crédit photo : Lucas Panchaud.

Qui est donc Ephraïm Fungula ? Peu connu du football amateur vaudois, le jeune lausannois a pourtant toujours eu de quoi attirer les regards, par sa taille imposante. Dans toutes les catégories d’âge, « il a toujours été le plus grand, il était vu comme le grand frère », témoigne son père, Elete. C’est d’ailleurs cette particularité physique qui lui a fermé des portes étant plus jeune. « Il avait effectué un test d’une semaine dans un grand club de la région, où il s’était distingué. Mais la réponse a finalement été négative: Ephraïm était vu comme trop grand. »

Depuis qu’il l’a intégré à son programme de formation, Blaise Nkufo a souvent essayé d’offrir à son poulain l’opportunité d’atteindre le football professionnel. « L’année dernière, Ephraïm a réalisé un test en Italie, dans un club de Serie B, puis aux Pays-Bas, à l’AZ, il y a deux mois. On est passé très proche de signer là-bas, mais le problème selon les retours qu’on a eus, c’est qu’il manquait de rythme par rapport aux autres joueurs élites de son âge qui s’entraînent jusqu’à six fois par semaine. Ces deux dernières années, j’ai essayé de faire de mon mieux pour créer un environnement compétitif dans les clubs où je suis passé, mais ce n’est jamais la même chose que dans un cadre professionnel. »

C’est finalement dans la capitale que le jeune milieu de terrain, qui peut évoluer en « 6 » ou en « 8 », avait réussi à trouver un point de chute. « Après ces tests, j’ai contacté quelques clubs du pays et YB a répondu favorablement, par l’intermédiaire de Stéphane Chapuisat. Son essai là-bas s’est bien déroulé, et la formation des Young Boys était intéressée à le garder plus longtemps. »

Une grave blessure qui change tout

Malheureusement, Ephraïm Fungula va devoir remettre ses rêves à plus tard. « Après un entraînement, il a ressenti des douleurs au genou. Après des examens médicaux, on a découvert une grave blessure », témoigne Christian Franke, directeur technique de la formation d’YB.

« La priorité est désormais qu’il choisisse quel sera le traitement, s’il se fait opérer ou non. S’il se rétablit, la porte sera toujours ouverte chez nous. Actuellement, la phase de test, qui était prévue jusqu’à la fin de la saison, est arrêtée en attendant d’en savoir plus sur la blessure et sa rémission », explique le dirigeant bernois.

Avec de l’espoir, l’aventure dans la capitale n’est peut-être pas définitivement terminée pour Ephraïm. « C’est un joueur avec un potentiel intéressant. Il est bon techniquement, il comprend le jeu, et est très fort physiquement. Il nous a laissé une bonne impression, c’est vraiment dommage que cette blessure soit survenue. Je ne suis pas médecin, mais ce n’est pas une blessure anodine. Elle va sûrement lui poser des soucis, mais j’espère que la réadaptation se passera bien. »

Ambitions élevées

Avant sa blessure, Blaise Nkufo ne s’en cachait pas: il voyait en son joueur un grand potentiel. « Personnellement, je le pense capable de se démarquer et atteindre le niveau professionnel, ainsi que les sélections nationales espoirs en Suisse. Il aime le travail, et est conscient des sacrifices à effectuer pour atteindre le haut niveau. »

Ephraïm Fungula espère toujours réaliser son rêve, dans la capitale.

Blaise Nkufo: « J’ai toujours été créatif »

Malgré ce dénouement cruel, cette signature représentait un succès bienvenu pour Blaise Nkufo, qui a connu quelques « péripéties », selon ses dires, depuis son retour en Suisse et ses tentatives d’implanter son académie durablement au sein d’un club du canton (Lausanne City, Romanel, Orbe). Depuis son départ du club nord-vaudois, le natif de Kinshasa « continue de développer Nkufo Academy Sports et de chercher l’environnement dans lequel [il pourra] continuer de guider, et surtout former des joueurs. »

Une situation loin d’être évidente pour lui et ses jeunes joueurs. « Je fais du bricolage. J’ai toujours été créatif. J’ai souvent dû travailler dans un environnement qui n’était pas idéal. Au Cameroun, les installations sont bien différentes par rapport à la Suisse, mais j’y ai quand même produit des joueurs du standard international. Au Canada, je ne connaissais personne, et j’ai pourtant développé des joueurs internationaux avec mon académie Blaise Soccer. »

Pourrait-on bientôt revoir Blaise Nkufo dans un club vaudois ? « J’ai quelques touches intéressantes. Lors de mes dernières expériences, j’ai rencontré des personnes qui n’avaient pas la même vision que moi. A Orbe, je suis venu avec mes jeunes, et on m’avait donné l’assurance que d’autres joueurs devaient compléter l’effectif. La réalité, c’est qu’il n’y avait personne, et que chaque week-end je devais me démener pour avoir onze joueurs sur le terrain. » Après son départ, la « deux » d’Orbe n’a jamais retrouvé une vraie stabilité, et le club s’est vu dans l’obligation de retirer l’équipe à quelques semaines de la fin du championnat.

Rédacteur: Mathieu Grandchamp
Photo de couverture : Blaise Nkufo

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