Eddy Pineda s’est habitué à la tranquillité

Eddy Pineda reçoit dans son appartement, joliment situé en plein coeur de Moudon. Pas trop loin, un bar latino, et pas trop loin non plus, le terrain de football communal. A 30 ans, l’Equatorien a décidé de revenir jouer à Etoile Broye, chez lui, après deux ans très réussis à Thierrens. La qualité de son pied droit en a fait l’un des meilleurs joueurs de 2e ligue inter, lui qui portait le numéro 10 au FCT. Ses coup-francs ont fait des dégâts chez les gardiens, tout comme ses fameuses passes en profondeur, dont se régalaient Jérôme Ruch, Nelson Longo et Thibaud Chevalley.

Arrivé en Suisse à 22 ans, il parle un français absolument parfait, l’agrémentant même de mots d’argots étonnants. « La vérité, c’est que je ne supportais pas de ne pas pouvoir faire de blagues. Parfois, j’avais une idée qui me venait en espagnol, mais je n’arrivais pas la traduire. Alors, j’ai appris encore plus vite le français », rigole-t-il. Eddison, son prénom, est un joueur de football épatant, auteur de… 19 buts en 10 matches avec Etoile Broye cet automne. Evidemment, il n’est pas à « son niveau » en 4e ligue, mais il assume ce choix, lui qui fait le bonheur de ses coéquipiers à Moudon et à Lucens.

Cette semaine, on a donc décidé d’aller à sa rencontre et de l’écouter nous parler de son parcours, depuis son enfance en Equateur jusqu’à sa vie en Suisse. A lui la parole.

Ses débuts comme footballeur en Equateur

Je viens de Guayaquil, la plus grande ville du pays, au bord de l’océan. La capitale, c’est Quito, en altitude, mais moi je suis vraiment de la côte. J’ai bien sûr joué au football, comme tous les gamins, et j’ai pu aller dans un bon club, qui était en deuxième division professionnelle, mais qui n’existe plus aujourd’hui. Je jouais en deuxième division à 16 ans déjà. C’était un joli niveau, et j’ai même fait des stages dans des clubs de première division, sans être pris. J’aurais pu y aller, mais mon club ne voulait pas me lâcher, c’était compliqué. Je jouais aussi dans une sélection de la région et j’avais été repéré par des clubs étrangers, comme Cruzeiro, Colo-Colo ou Vélez Sarsfield, en Argentine. Le plus sérieux, c’était eux, ils m’ont même appelé, mais ce n’est pas allé plus loin. C’est resté un rêve, mais je peux dire sans mentir que Velez m’a appelé, ce n’est pas rien (rires).

Son arrivée en Suisse

Je suis un immigré un peu différent, puisque je suis venu là par amour (rires). En fait, j’ai rencontré Emily, ma femme, en Equateur, son père est suisse à 100%, mais sa mère est équatorienne. On s’est vus là-bas et on a décidé de vivre en Suisse, ici à Moudon, chez elle. La première fois que je suis arrivé, il y a 8 ans? Aie, aie, aie (rires). Guayaquil, c’est deux millions d’habitants. Moudon, c’est… différent (rires). J’avais l’habitude de voir du monde tout le temps, de voir les gens sortir jusqu’à 5 ou 6h du matin et là, les magasins sont fermés le dimanche, il n’y a personne dans les rues. Wouah, quel changement! Franchement, je ne comprenais rien. En plus, je ne parlais pas la langue, c’était vraiment difficile. Maintenant, je suis tellement bien ici… Moudon, c’est parfait. Je ne suis pas quelqu’un qui sort beaucoup, je suis là avec ma petite famille, on est tranquilles ici. Je suis très bien en Suisse, très très bien même.

L’intégration par le football

Au début, je ne faisais rien de social. J’ai fait mon CFC de logisticien, mais le football, j’avais un peu laissé tomber en venant en Suisse. C’est en parlant avec un copain chilien qu’il m’a dit que je devais aller au terrain de foot de Moudon, juste pour m’entraîner. Franchement, je ne voulais pas, ce n’était pas une période de ma vie où j’avais la tête au jeu. Et puis, il a parlé de moi à l’entraîneur de la II, en 5e ligue. J’y suis allé, mais j’avais un peu peur, puisque je parlais très mal français. Bon, j’ai fait l’entraînement et à la fin, l’entraîneur de la II a dit que je devais aller avec la I la prochaine fois (rires). Au final, j’ai passé des années magnifiques ici, on est montés en 3e ligue et ce sont des souvenirs inoubliables. Mes amis, je me les suis fait grâce au football, je n’ai pas peur de le dire. C’est un facteur d’intégration remarquable pour un jeune comme moi qui arrive d’un pays lointain. Un ballon, un club de foot, des copains, et c’est parti.

Ses deux ans à Thierrens

Je me suis donc repris au jeu du foot petit à petit et c’est assez naturellement que je suis allé à Thierrens, d’abord pour m’entraîner. Vous connaissez Nelson Longo, il vient d’ici aussi, et c’est lui qui m’a dit de monter une fois là-haut. C’était David Tenthorey l’entraîneur, mais il allait partir. Il m’a quand même dit de rester, que Patrick Muller allait sûrement m’apprécier. Je lui ai fait confiance, mais Patrick Muller, c’est un sacré caractère! Il connaissait surtout les joueurs de 1re ligue, à l’époque, alors quand on lui a annoncé « Pineda, 3e ligue » comme renfort, il n’a pas sauté au plafond de joie (rires). Bon, après, il a quand même vu que je savais jouer un peu au foot, je crois! J’ai passé deux ans formidables là-haut, à un niveau qui est bon. Faut pas croire, en 2e ligue inter, ça joue! Je les aime tous, les gens à Thierrens.

Son retour à Etoile Broye

Deux amis ont repris l’équipe cet été, deux anciens coéquipiers avec lesquels je suis monté en 3e ligue à l’époque. Ils veulent reconstruire quelque chose, c’est à côté de chez moi, c’est plus près d’un point de vue pratique… J’ai fait ce choix en connaissance de cause et je ne le regrette pas. A ce niveau, le football, c’est aussi de l’amitié. J’ai 30 ans, maintenant, et je suis content d’être revenu à Etoile Broye, mais je ne peux pas dire que je n’ai pas envie d’aller plus haut. Si une proposition convenable vient, je vais l’étudier.

Ses 19 buts au premier tour

Deux par match, jolie moyenne, non? En plus, je n’ai pas marqué tellement de coup-francs, juste un ou deux. Je joue dans cette position de numéro 10 que j’adore et je suis souvent devant le but. Bien sûr que c’est plus facile en 4e ligue, c’est évident, mais il faut faire les efforts quand même! J’ai toujours joué comme meneur de jeu, que ce soit en Equateur ou en Suisse. Quand je suis arrivé à Thierrens, je n’osais pas parler, je ne voulais rien revendiquer, mais mes performances ont fait que j’ai mérité le numéro 10. Cela, j’en suis très fier.

Les finales avec Etoile Broye

L’objectif qu’on s’est fixés cette saison, c’est clair: la troisième place. On ne vise pas les finales. Aujourd’hui, on est troisièmes à Noël, donc on est dans l’objectif. Pile dedans! On a une bonne équipe, on est d’ailleurs allés gagner sur le terrain de Lusitano Lausanne, l’un des co-leaders. Par contre, on a perdu chez nous contre Boveresses. On peut y arriver et j’en serais content! On vise les trois premières places, mais si on se qualifie pour les finales, on prend! Bien sûr! Il y a des choses à construire ici.

Son caractère sur un terrain

J’aime parler, j’aime provoquer mon adversaire. Je ne sais pas, c’est comme ça… C’est sûrement le côté sud-américain, j’avoue. On a la grinta, cette agressivité qui détonne parfois un peu en Suisse. En dehors, je suis le garçon le plus tranquille du monde, je suis discret, je n’aime pas trop parler. Mais sur le terrain, c’est vrai que j’aime allumer, je trouve que ça fait partie du jeu. Je prenais régulièrement des rouges, environ deux par année, mais ça, c’est fini depuis que je suis revenu à Etoile Broye. Je suis capitaine, je dois montrer l’exemple. On attend ça de moi, je le sais. Je ne peux pas faire n’importe quoi et expliquer après à un jeune qu’il faut bien se comporter. Depuis que je suis revenu, je suis tranquille. Vous ne me reconnaîtriez pas!

Les Equatoriens en Suisse

On est de plus en plus nombreux, je pense. En fait, ce que je constate, c’est que les Equatoriens n’arrivent pas directement d’Amérique du Sud ces derniers mois, mais plutôt d’Espagne. Je fais mes courses dans un magasin équatorien à Lausanne et je parle souvent de la situation de mes compatriotes et la situation économique dans les régions espagnoles les pousse à partir. Ils n’arrivent plus à gagner leur vie et ils tentent leur chance en Suisse. Je suis sensible à cette problématique, c’est sûr, mais mon cas est un peu différent. En plus, vu que je suis marié depuis cinq ans, je vais pouvoir prétendre au passeport suisse. Je m’en réjouis et je suis déjà très fier à l’idée de pouvoir, dans pas si longtemps, avoir la croix blanche sur mes papiers. C’est important pour moi, j’aime votre pays et je suis très heureux de penser que ce sera bientôt le mien.

L’Equateur, pour les vacances

J’aime bien y retourner, c’est là que j’ai toute ma famille. J’y suis allé encore récemment, c’est toujours très émouvant. Je revois mes anciens copains, tout le monde… Emily et moi, on a eu un enfant, Mateo, qui est né un 25 décembre. On l’a pris comme un don de Dieu, qui est d’ailleurs la signification de son prénom. Depuis qu’il est arrivé, ma famille ne sait même plus que j’existe, je suis passé en deuxième position dans la liste des priorités (rires). On est quatre avec Emily, notre fille Juliana et Mateo, et je sais que j’ai de la chance d’avoir une famille comme celle-ci. Il n’y a rien de plus précieux au monde.

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