Gilles Chevallier, l’homme des promotions

Actuel entraîneur au FC Champagne (3e ligue), une tâche qu’il partage avec Bruno Reymond, Gilles Chevallier a aujourd’hui 46 ans, et un dynamisme que beaucoup de personnes lui envient. Responsable de l’agence d’Orbe d’une grande société d’assurances, il n’a jamais quitté le monde du football, entamant logiquement une carrière d’entraîneur après celle de joueur. On a voulu en savoir plus et on est allé à la rencontre d’un attaquant qui nous a fait rêver avec Yverdon Sport dans les années 90, et on ne s’en cache pas.

Gilles Chevallier, si on avait envie de vous voir aujourd’hui, c’est pour parler un peu de votre carrière de joueur…

Vous ne voulez pas parler des jeunes, plutôt? Ca intéresse qui d’avoir de mes nouvelles (rires)?

Vous rigolez? Plein de monde! Vous êtes une figure du football vaudois, vous en avez conscience quand même?

Pour quelques vieux, peut-être…

Vous êtes gentil, j’ai 32 ans!

Non, mais sérieusement, on va parler de moi?

On va parler d’un joueur qui a fait toutes les promotions possibles dans le football suisse, c’est déjà pas mal, non?

Ah, vous vous trompez, il m’en manque une!

Ah?

Je ne suis jamais monté de 4e en 3e ligue. Au tout début de ma carrière, je suis monté de 5e en 4e avec Montcherand, j’avais 16 ans. Après, à 18 ans, j’ai fait celle de 3e en 2e avec Bavois. Mais la 4e ligue, jamais.

Et après?

Plus haut, il y a eu Malley de 2e ligue inter en 1re ligue. Ah, sinon, je ne suis jamais monté de 2e en 2e inter, mais j’ai une excuse: quand j’étais en 2e ligue, elle n’existait pas.

Et surtout, les plus connues, bien sûr. Vous êtes monté en LNB avec Echallens, et en LNA avec Yverdon Sport. Et vous pensez que personne ne s’en rappelle?

Bon, sérieusement, c’est des souvenirs immenses, tout ça! Tiens, Echallens, ça me fait penser à une anecdote que peu de monde connaît. Vous la voulez?

On en rêve!

On joue les finales de promotion contre Lyss, à Echallens. Autant vous dire que c’était un gros match, attendu par pas mal de monde. Bon, moi, après le repas de midi, je fais une petite sieste, tranquille, afin d’être en pleine forme pour le match. Tout d’un coup, ma femme me réveille: « Dis, t’as pas un match important cet après-midi? » Moi, je regarde l’heure: l’heure du rendez-vous était déjà passée! On habitait Orbe à l’époque, autant vous dire que jamais personne n’a roulé aussi vite entre Orbe et Echallens depuis! J’arrive aux Trois-Sapins, Lucien Favre était en pleine théorie. Je pousse la porte, je m’excuse et « Lulu » me regarde…

Et là?

Et là, je lui sors que je m’étais fait arrêter par les flics en venant! Un immense contrôle! Il n’y avait pas de natel à l’époque, je n’avais pas pu l’avertir. Bref, « Lulu » ne me dit rien, je vais me changer…

Il vous a quand même mis titulaire?

Oh, à l’époque, il était un peu obligé, j’étais pas mal! D’ailleurs, on est montés, et j’ai fait un assist dans ce match.

Comme quoi, la sieste a du bon!

Je n’ai pas fait le fier sur le coup, je vous promets. Et je ne lui ai jamais avoué que c’était des bêtises! « Lulu », il ne faisait pas de cadeaux. Mais c’était la classe. Et je peux dire aujourd’hui qu’il est venu me chercher à Yverdon pour jouer à Echallens.

« Désiré par Lucien Favre », c’est sympa dans un CV!

Oui, bon, à l’époque, il devait construire son équipe, et moi je venais d’YS quand même. On venait de faire la montée en LNA, ce n’était pas rien.

D’ailleurs, pourquoi YS ne vous a pas gardé à l’époque?

Sincèrement, je ne sais pas. Ils ont jugé que je n’avais pas le niveau de LNA sans doute. Je ne saurai jamais. Mais bon, je ne vais pas pleurer vingt ans après, c’est pas le genre. J’ai quand même joué des tours de promotion-relégation, contre Bâle, GC… La LNA, j’ai pu y toucher par ce biais-là. Et si YS m’avait gardé, je n’aurais peut-être jamais connu « Lulu »…. On ne va pas refaire l’histoire, hein!

Lucien Favre, à l’époque, c’était déjà un entraîneur exceptionnel?

Oui. Enfin, on ne le savait pas! Mais je me rappelle, ce qui m’avait frappé, c’est qu’il pouvait changer le cours d’un match. Parfois, on était dominé, et il changeait juste le dispositif tactique. Je ne vous parle même pas de changer deux joueurs à la mi-temps, je vous parle de passer du 4-4-2 en losange en 4-5-1, avec exactement les mêmes joueurs, après 20 minutes de jeu. Et on faisait subitement jeu égal avec l’adversaire, alors qu’on était à la rue jusque-là. Il utilisait vraiment le 120% des joueurs. Et pas besoin de hurler pour ça… C’était impressionnant.

Le meilleur entraîneur que vous ayez eu?

Oh, j’ai eu de la chance dans ma carrière, quand même. J’ai eu droit à Bernard Challandes à YS, c’était le très haut niveau aussi. Mais « Lulu », forcément… Quand on voit ce qu’il a fait depuis, il faut applaudir, c’est tout.

Vous avez quand même quitté les Trois-Sapins…

Après Echallens, j’ai signé à Renens, en 1re ligue. Là aussi, ils étaient venus me chercher, et j’ai signé là-bas pour l’argent, je ne vais pas le cacher. A l’époque, j’étais en train de construire, et le FC Renens m’a fourni les fonds propres.

C’était une grande saison, non?

Oui, on est restés invaincus. Toute une saison sans perdre un match, il faut le faire, à tous les niveaux. Bon, on avait une équipe composée exclusivement de joueurs venant de Ligue nationale. Une grosse équipe, avec Gabet Chapuisat comme entraîneur. Mais on n’était pas montés.

Vous vous êtes ramassés en finales? C’était en 1997, juste?

Oui, contre le FC Thoune. Cela n’avait rien d’un scandale, Thoune était au début de son projet, et avait une belle équipe.

D’ailleurs, ils ne sont jamais redescendus depuis…

Oui, je crois bien. J’en suis même sûr. Ils sont montés en LNA quelques années après, et ne sont jamais redescendus plus bas que la Challenge League. Ils avaient un projet sérieux. Quand on compare avec Renens aujourd’hui, et je le dis sans sourire, peut-être que c’est mieux que ce soit Thoune qui soit monté à l’époque…

Vous qui êtes passé d’Echallens à Renens, et avez donc joué les finales de 1re ligue avec ces deux équipes, pensez-vous que l’état d’esprit était plus fort à Echallens, et que cela vous a permis de passer l’épaule?

Oui, c’est sûr que ce n’était pas la même chose à l’intérieur de l’équipe. On était rémunéré à Echallens, mais toute l’équipe avait à peu près la même chose, il n’y avait pas de jalousie. A Renens, forcément que tu avais moins une ambiance familiale, et que l’argent était une donnée importante, y compris dans la vie de l’équipe. Mais on est quand même restés invaincus toute la saison, donc ce serait faux de dire que ça ne marchait pas. Si ça n’avait pas été Thoune en finale, on serait peut-être monté, comme Echallens face à Lyss. C’était deux approches différentes, c’est tout.

Mais vous, vous n’étiez pas programmé pour devenir joueur professionnel, on se trompe?

Jamais de la vie! Je n’y pensais pas du tout. A 24 ans, j’étais à Baulmes, en 2e ligue. J’étais un footballeur de talus, moi. En fait, je le suis toujours resté (rires). Je n’ai pas fait ma formation à Team Vaud, à peaufiner ma technique tous les jours… Quand j’avais 16 ans, j’étais en 5e ligue, et j’ai gravi tous les échelons du foot suisse.

Vous saviez contrôler un ballon, quand même…

Tout juste! Je n’étais pas un footballeur raffiné, je jouais un football plus champêtre. Maintenant, ce serait beaucoup plus dur pour un joueur comme moi de percer. Ce serait impossible, en fait.

Pourquoi avez-vous réussi?

Par un concours de circonstances, c’est tout. J’étais à Baulmes, en 2e ligue, où j’étais arrivé après Montcherand et Orbe. Je jouais à un bon niveau régional, j’étais content. Et Yverdon m’appelle, pour aller jouer avec les Espoirs.

A 24 ans?

Oui, ils avaient droit à trois joueurs de plus de 21 ans, je crois. Je vais donc jouer avec les Espoirs, je marque quelques buts… et là, Laszlo Dajka, la star hongroise d’YS, se fait une hernie discale. Et Patrick Biselx se blesse aussi. Bon, Bernard Challandes a bien dû faire appel à une solution interne.

Et il vous appelle, donc.

Un truc de fou. Je n’étais pas à la maison, c’est ma femme qui a répondu. J’étais convoqué pour mon premier match, à Champagne, face à une équipe anglaise. Est-ce que c’était Tottenham ou Aston Villa? Je ne sais plus! Peut-être Everton, en fait… Bref, ma femme était comme une folle, et moi tout excité! Jouer avec la I d’Yverdon, en plus contre une équipe anglaise… Le rêve!

Vous avez été bon?

Je ne suis même pas entré en jeu (rires). Mais après, cela a été très vite, je me suis fait une place dans le groupe. Et je ne suis jamais retourné dans le contingent des espoirs.

Et vous êtes devenu un des cadres de cette équipe, qui a fini par monter en LNA!

Comme quoi, une carrière de footballeur, hein… De nouveau, moi, je n’étais programmé pour rien, mais j’avais une volonté d’enfer. Quand je suis arrivé en première équipe, je me suis dit: « Bon, Chevallier, t’as volé la place à personne. T’es là, fonce. » Et j’ai fait les efforts, je me suis accroché. Mon défaut, ça a toujours été que j’étais un peu naïf, trop gentil. Toute la politique dans le foot, les alliances pour jouer, ça n’a jamais été mon truc. Je l’ai payé, sans doute. Moi, j’étais dans le vestiaire, je mettais mes chaussures et j’allais jouer.

Et ça passait!

J’ai scoré quelques fois au début, ce qui m’a permis de m’imposer. J’avais un bon sens du but, et je pouvais frappe du gauche et du droit, j’étais pas trop maladroit de la tête… Quand t’analyses, avec le recul, ça a été très vite. Et peut-être que j’aurais plus dû m’imposer, mais bon, j’ai vécu de belles années. Et de nouveau, je n’y avais jamais pensé. Pas une seule seconde. Passer de 2e ligue à une promotion en LNA, lors de laquelle tu joues un rôle…

Un rôle important, dites-le! Arrêtez d’être modeste! Gilles Chevallier en LNB avec YS; c’est un stade qui rugit à chaque débordement. Le jeune supporter que vous avez en face de vous avait 10 ans à l’époque, il était derrière les buts, il s’en rappelle très bien! Il y avait de la concurrence avec Thierry Chatelan, Mile Urosevic et Alexandre Comisetti… Mais vous étiez régulièrement titulaire! Vous avez bien dû marquer une dizaine de buts l’année de la promotion…

Pour vous répondre, je vais vous parler de Reszo Kekesi. J’adorais ce joueur, et l’homme aussi. On était dans la même chambre en camp d’entraînement, on parlait souvent. Il était adorable, il aidait les jeunes. Il n’était pas beaucoup plus vieux que moi, mais il me conseillait. Et là où je veux en venir, c’est que jamais, il ne disait où il avait joué, ni à quel niveau. Et à l’époque, pas d’internet! Ce que tu dis, ça n’a pas beaucoup d’importance. Ce que tu fais, déjà un peu plus. On a vécu des moments incroyables à YS. Ah, j’ai encore une anecdote!

On prend!

On joue à Saint-Gall, l’année où on monte. Le naufrage! On prend 7-1. Je vous laisse imaginer le retour en car. Le cauchemar. Bernard Challandes nous convoque à 7h le lendemain matin pour un débriefing. On est arrivés à 3h ou 4h à Yverdon, et Sandro Salad, qui habitait à La Tour-de-Peilz, était un de mes bons copains dans l’équipe. S’il avait dû rentrer chez lui, il aurait tout juste eu le temps de revenir pour le « débriefing ». Je lui dis: « Viens chez moi ». Et de 4h à 7h du matin, on a mangé salami, fromage, avec tout le reste… Une petit douche plus tard, on s’est pointés au briefing, on avait envie de rire tout le long! Mais Challandes nous a mis une brossée, dont je me rappelle encore aujourd’hui. J’ai le droit de la raconter, on est montés cette année-là! On avait une super équipe. Dans mes amis, il y avait Salad, et Jean-Philippe Karlen aussi, que j’appréciais beaucoup.

Aimeriez-vous entraîner à ce niveau aujourd’hui? Ou la 3e ligue vous convient bien?

Aujourd’hui, l’aspect professionnel est prépondérant pour moi. Le foot, c’est une soupape après le boulot, j’adore ça. Je dirais que jusqu’en 2e ligue c’est possible pour moi, avec une équipe de copains, comme j’ai eu à Donneloye ou Echallens II. Plus haut, non, pas avec mon travail. Je ne lâcherais pas tout pour entraîner une 1re ligue, même si dans l’absolu, ce serait possible. Je cherche juste à avoir du plaisir après le boulot.

En clair, vous ne pouvez pas vous passer du football, même comme joueur! Chaque fois qu’on vient voir jouer Champagne, vous êtes sur le terrain, que ce soit en 3e ou en 4e ligue!

Vous n’avez pas tout vu parce que, cette saison, j’ai joué avec la I, la II et la III! J’ai même fait un match aux goals en 3e ligue, à Chavannes-le-Chêne, qu’on a malheureusement perdu 5-2. On a regardé l’autre jour avec Bruno Reymond, j’ai quand même 6 ou 7 entrées en 3e ligue cette saison. A 46 ans! Bon, des bouts de match, hein…

Vous êtes accro…

On ne peut pas se passer du foot, on est des générations comme ça. Moi, je dis « chapeau » à ma femme, sincèrement! Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, elle a pensé que c’était bon, qu’on allait de nouveau avoir des week-ends. Mais quand elle m’a vu devenir entraîneur, elle a compris que c’était foutu à tout jamais (rires)! La pauvre!

Etre entraîneur, c’est aussi connaître des échecs. Comment les vivez-vous? Il y a la relégation avec Ependes, l’an dernier…

Couler avec une équipe, cela ne fait jamais plaisir, mais comme vous l’avez dit, cela fait partie de la carrière d’un entraîneur. Il faut en faire l’analyse, calmement. A Ependes, il y avait des torts partout, et un problème extra-sportif, de comportement. J’y suis pour quelque chose, mais les joueurs peuvent aussi se poser la question de savoir pourquoi ils ont coulé, alors qu’on avait fini sur le podium l’année d’avant. A Donneloye, quelques années avant, c’était différent, on se battait pour rester, avec un effectif qui ne pouvait pas faire mieux. C’est aussi un échec, mais sportif. Après, la question c’est: « Que faire après? »

Pour vous, c’est Champagne, avec une très jeune équipe, encadrée par Goran Grubesic.

Et l’idée, c’est de faire progresser ces jeunes. Ils sont meilleurs que l’an dernier, et ils sont moins bons que l’année prochaine. On va essayer d’accrocher les finales, mais on ne fera pas une maladie si on n’y arrive pas. Vous savez, une de mes fiertés comme entraîneur, c’est d’avoir contribué à la carrière de Renato Rocha. J’entraînais la II de Malley, et je voyais ce junior super-fort, qui marquait des buts de tous les côtés, et que personne ne connaissait à la I. Ce n’est pas un secret de dire que la première équipe était prépondérante à l’époque, et que les juniors étaient au second plan. J’ai dit que ce joueur-là avait quelque chose de spécial, et j’ai eu raison. Ce n’est pas grâce à moi qu’il est devenu fort, attention! J’ai juste attiré l’attention de tout le monde sur lui.

On vous imagine ne jamais partir du monde du football, on se trompe?

Tant que j’ai la santé, je continuerai. Pas à jouer, hein, à entraîner! J’ai toujours envie d’apporter mon expérience. Si t’arrives à faire passer un peu de ce qu’on t’a appris, t’auras pas tout raté. De nouveau, j’ai eu la chance d’écouter Lucien Favre et Bernard Challandes. Si je peux faire passer un tout petit peu leur message et faire partie de la progression de jeunes joueurs, ce sera quelque chose.

On pourrait finir comme ça, mais on va quand même vous demander une dernière anecdote, juste pour le plaisir.

Attendez que je réfléchisse! Ah oui, j’en ai une qui va vous plaire! Avec Yverdon Sport, on est partis en camp d’entraînement à Dubaï. En face, il y avait le Russe Sergeï Kiriakov, un phénomène, qui a joué la Coupe du Monde 94. Et aux buts, c’était Oliver Kahn! J’ai failli le blesser, d’ailleurs. Comme d’habitude, je m’engageais à fond, et je lui suis entré dedans! Bon, il s’est relevé… Et j’ai failli lui marquer un but, aussi! J’ai envoyé un boulet sur la latte, et j’ai tiré tellement fort que la balle est repartie en direction de notre camp! Contre-attaque pour Karlsruhe! Bernard Challandes m’a reproché de leur avoir offert une balle de but sur cette action, mais je n’allais quand même pas m’excuser d’avoir shooté trop fort. J’avais quand même l’occasion de mettre un but à Oliver Kahn, c’est pas tous les jours (rires)!

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