Il y a dix ans, le FC Baulmes montait en Challenge League

75e minute du match de 2e ligue entre le FC Baulmes et le FC Gland, dimanche dernier. Le FCB est en train de sombrer, la faute aux accélérations de Mohamed Rabhi, le buteur glandois. La relégation en 3e ligue sera effective dans quelques minutes et seuls les irréductibles sont encore là, les derniers des derniers supporters. Le moment est triste, il valide le retour du club baulméran là où tout a commencé, dans cette 3e ligue que l’on pensait réservée à sa deuxième équipe. Dans quelques mois, l’équipe de Baulmes, la vraie, la première, s’en ira jouer à Chavannes-le-Chêne, à Ependes peut-être, à Payerne face à la II… Alors, durant le dernier quart d’heure de ce match, plutôt que de penser à ces quinze minutes inutiles, notre esprit s’est mis à vagabonder, librement, et on s’est revus dix ans plus tôt, quasiment jour pour jour, même lieu, même endroit. C’était le 5 juin 2004, une date qui restera comme l’un des plus grands souvenirs footballistiques de notre vie. La montée du FC Baulmes, ce club de village, en Challenge League. Un jour inoubliable, que la RTS nous fait revivre ici avec le résumé du match et ici avec les réactions de l’équipe.

On se revoit donc ce samedi-là comme si c’était hier. Un jour spécial, un jour à part, un jour que peu de personnes présentes ce 5 juin ont oublié. Il régnait en effet une atmosphère de fête dans le Nord vaudois, mais aussi et surtout une atmosphère de conquête. Car ce FC Baulmes-là était un club ambitieux, qui suscitait quelques jalousies parmi les clubs voisins, mais surtout un formidable engouement. Pourquoi? Il y a mille raisons, et elles sont toutes bonnes. Mais un coup d’oeil au onze de départ du match retour du dernier tour des finales face à Locarno suffit à comprendre et à tout résumer. Le 3-5-2 de Raphaël Tagan? David Geijo, Raphaël Cottens et Victor Diogo en défense, protégeant René Martinez. Au milieu, Yves-Alain Monnier, Tiki Ivanovski, Yannick Blanchard, Yohan Langlet et Frédéric Gilardi. Devant, Abraham Keita et Bekim Uka. Ont également participé à la fête? Nicola Zari et Cyril Cottens, entrés en jeu. Faisaient aussi partie du contingent cette année-là, Sacha Margairaz, Alessandro Caregnato et Carlos Lamego. Ces noms-là suffisent à comprendre pourquoi ce FC Baulmes était aimé et pourquoi 2100 personnes sont venues assister à ce choc. Une très forte identité régionale, de l’ambition, du bon football et le souffle de l’exploit: ce FC Baulmes donnait envie de le suivre. Après le 1-1 de l’aller, le FCB ne pouvait pas imaginer autre chose qu’une victoire au retour, dans son stade. Après l’ouverture du score des Tessinois, un doublé de Yoan Langlet allait permettre à cette équipe, à notre équipe, de s’imposer 2-1, dans une atmosphère de joie intense et sincère.

On ne le cache pas aujourd’hui, et on ne l’a jamais caché, d’ailleurs: on a aimé ce club, comme toute une région, comme quasiment tout le monde à l’époque. Pour nous, les jeunes footballeurs du coin, il représentait la conviction que tout était possible. A Yverdon, on admirait les joueurs de LNA, on ne les côtoyait pas. On allait les applaudir, on se rendait au Stade Municipal pour voir les exploits de Leandro, de Jean-Michel Tchouga ou de Juarez, mais il y avait une barrière, celle du professionnalisme. A Baulmes, c’étaient les « gens comme nous » qui jouaient et ce sont eux, poussés par l’enthousiasme et la compétence phénoménale de leur président, qui ont obtenu cette promotion. Raphaël Cottens, titulaire indiscutable en défense et pilier du club durant toutes ces années? Un joueur de talus, comme nous l’étions tous. Un type extraordinaire, qui prenait les meilleurs attaquants du pays au marquage, les devançait sur les corners et buvait sa première bière six minutes après le match, les chaussettes baissées, les protège-tibias laissés quelque part, en demandant un briquet au premier spectateur qui s’approchait.

Dix ans après, cela nous semble impossible de revivre de tels moments, de se rapprocher un tant soit peu de l’atmosphère qui régnait autour de ce terrain. On revoit les déboulés d’Abraham Keita, les relances de Victor Diogo, Yves-Alain Monnier qui ronchonne contre tous les juges de touche du pays avant de placer un centre parfait… On pourrait tous les citer, mais surtout, ce que l’on retiendra de cette promotion, c’est qu’elle venait couronner une politique de club ambitieuse. Pour Fabian Salvi, évoquer le milieu de tableau était comme parler d’une maladie vénérienne. Il en a toujours eu horreur, que ce soit face aux journalistes ou face à ses joueurs. Baulmes en septième place? En Challenge League, d’accord, mais sinon, les données étaient claires: le ventre mou est une abomination. Cet esprit de conquête, insufflé par le président bien sûr, explique en partie pourquoi ce club a toujours cherché à aller plus haut, quitte à ce que la chute soit plus longue. L’aventure a donc commencé en 3e ligue et s’est terminée là, dimanche dernier. Fabian Salvi est arrivé en 1991, et a obtenu en 2001 la promotion en 1re ligue, lors de l’ultime journée face à… Gland, le dernier match où il a entraîné « son » FC Baulmes. Il s’est ensuite concentré sur la présidence, laissant à d’autres le soin de coacher son équipe en 1re ligue, puis, bien sûr, en Challenge League. Il n’a plus remis son habit d’entraîneur, si ce n’est pour quelques intérims lors des années noires, après la relégation.

Car bien sûr, tout n’a pas été simple lors des dix dernières années, et ce n’est rien de le dire, il faut l’avoir vécu. Baulmes, et beaucoup de personnes l’ont oublié, a tenu trois ans en Challenge League, pas juste une année. Trois ans. Il y a eu l’exil à La Pontaise, le temps que le Stade Sous-Ville soit fini, puis le retour à Baulmes. Des années lors desquelles le contingent a évolué, mais où sont restés les fidèles David Geijo et Raphaël Cottens, les derniers guerriers, qui sont allés au bout du bout de leur mission. Les autres « régionaux » sont partis en cours de route et personne ne peut leur en tenir rigueur, bien sûr. C’était il y a dix ans et beaucoup sont encore actifs. Frédéric Gilardi et Nicola Zari sont à Bavois, avec leur entraîneur Bekim Uka, Victor Diogo à Dardania, Abraham Keita à Epalinges, Yoan Langlet à Monthey, Alessandro Caregnato à Pully et Sacha Margairaz en attente d’un nouveau club. Les autres ont pris une retraite bien méritée.

Après ces trois ans de Challenge League, il y a eu la chute, bien sûr. La relégation mortifiante, le penalty de Dario Drago envoyé dans les étoiles lors du dernier match face à… Locarno, les années de galère financière, les survies miraculeuses en 1re ligue, puis les trois relégations successives lors des 36 derniers mois. Voilà tout ce que l’on s’est dit durant ce dernier quart d’heure face à Gland. On a repensé aux moments fantastiques vécus à Baulmes, à ces mille anecdotes que l’on pourrait raconter, en bien ou en mal. Forcément, il y a eu l’ascension et son cortège de rires et de sourires, puis la chute et ses années de galère où trouver de quoi payer le trajet en bus pour aller jouer à Guin relevait du miracle là où, quelques années plus tôt, les mises au vert de l’équipe étaient offertes par des sponsors aussi généreux qu’intéressés.

Les années de galère du FC Baulmes, finalement, ne sont que le reflet de la vie. Lorsque le club était fort, tout le monde se sentait fort dans son sillage. Les amis étaient partout, l’argent se trouvait en deux minutes et tout le monde en a profité. Les joueurs, les suiveurs, les entreprises locales… Et, quand les difficultés sont arrivées, tout le monde s’est dispersé. Ce n’est pas condamnable, c’est humain. Terriblement humain. Durant ces années-là et les conflits entre le club et la commune, où chacun, sans doute, avait sa part de vérité et défendait ses intérêts, on a vu, on a senti, un président triste. Mais abattu? Jamais. Il faudra bien le dire un jour: cet homme-là a toujours fait face, n’a jamais fui, n’a jamais disparu. Il n’a pas pu tenir tous ses engagements? C’est vrai. Personne ne le niera jamais et surtout pas lui. Mais il est toujours resté debout, n’a jamais changé de trottoir ou arrêté d’assister aux matches. Et parmi toutes les personnes qui ont parlé de lui en mal pendant les années difficiles, lesquelles étaient là à lui taper dans le dos, quand tout allait bien? Lesquelles lui réclamaient un coup de main, des places gratuites pour les matches, ou le prêt de joueurs pour leur équipe en difficulté, tout en lui demandant de faire une table à leur repas de soutien? A ces questions-là aussi, on connaît la réponse et on sait bien, là aussi c’est humain, qu’il est plus facile de tourner le dos que de tendre la main à un homme dans la tourmente.

Fabian Salvi est à Sion aujourd’hui, il est parti alors que le club était encore en 1re ligue et ce n’est pas à nous de dire s’il a bien fait ou pas. Il a tout donné pour ce club, ou disons plutôt que ce club lui a tout pris: sa situation, son entreprise, sa vie professionnelle, son casier judiciaire désormais entaché. S’il tombe sur ces lignes, ou si quelqu’un lui les fait lire, on a juste envie de lui dire une chose: si Baulmes est monté en Challenge League il y a dix ans et y a tenu trois saisons, c’est parce qu’il l’a voulu, qu’il a brisé la glace de l’iceberg de difficultés qui se dressait face à lui et entraîné tout le monde dans son sillage. Alors aujourd’hui, dix ans après, en regardant ce club couler en 3e ligue, on n’a même pas envie d’être triste, on a juste envie de se rappeler les bons moments, ces déplacements pour venir à Baulmes. En arrivant de Rances, on aimait faire le dernier virage sur la gauche et voir le stade apparaître, ce stade où on a aimé venir plus que nulle part ailleurs pour y voir des « gens comme nous » accomplir des exploits merveilleux, que l’on pensait réservés aux joueurs d’YS, nos idoles absolues de l’époque. Fabian Salvi a rendu le football d’élite accessible aux gens d’en bas. Alors aujourd’hui, on l’écrit comme on le pense, et tant pis si c’est trop tard: merci président.

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