L’annonce avait eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel habituellement dégagé du football vaudois. Le 8 juillet passé, le dernier-né des clubs lausannois annonçait avec fracas l’arrivée de l’ex-international helvétique Blaise Nkufo (34 sélections, 7 buts) à la tête de sa première équipe.
Huit mois plus tard, loin des remous médiatiques engendrés par son intronisation, Blaise Nkufo et son staff s’en sont allés par la petite porte. Enquête sur les raisons d’un fiasco, qui semble dissimuler un mal beaucoup plus profond au cœur du club de la capitale vaudoise.
Résultats sportifs contrastés
La promotion en 4ème ligue obtenue d’extrême justesse au printemps 2023 augurait une trajectoire linéaire pour le club fondé et présidé par le fantasque Mario Marques. Le bilan de ce premier tour, bien qu’honorable (l’équipe est actuellement classée à la 5ème place du groupe 6), ne s’inscrit cependant pas exactement dans la lignée des ambitions démesurées de son propriétaire. Si son équipe se distingue à l’heure actuelle, c’est d’abord par le nombre impressionnant de joueurs et d’entraîneurs qui s’y sont succédés. Au total, près d’une soixantaine de licenciés et pas moins de 5 techniciens se sont relayés à ce jour sous les couleurs blanc et azur du club de la Palestre depuis août 2022.
Un schéma qui se répète jusque dans son organigramme, où Mario Marques s’est auto-octroyé les pleins pouvoirs. Zacarias Da Silva, qui avait largement participé au recrutement de l’effectif de la première saison témoigne : « Ce président se croit vraiment tout permis, son soi-disant comité est totalement fictif. Il a viré des joueurs et des membres du comité parce qu’il n’avait pas été convié aux grillades de l’équipe en fin de saison. Cerise sur le gâteau : il n’a même pas su me dire en face qu’il ne comptait plus sur moi. Cela en devient ridicule. »
Un environnement tumultueux
Débarqué dans cette atmosphère instable, Blaise Nkufo s’explique : « Je suis venu avec une philosophie claire : celle de reproduire au Lausanne City le travail que j’ai déjà effectué sur d’autres continents au sein de mes académies. Le club semblait offrir un cadre idéal pour le développement des jeunes que j’accompagne. » Son frère, Yannick Nkufo, complète :« Le président nous a promis de pouvoir utiliser librement les installations mises à disposition par Bobst. C’est ce qui a fait pencher la balance au moment de nous lancer dans ce projet. » Convaincu en premier lieu, l’attaquant avait également décidé de rejoindre l’effectif lausannois à l’intersaison.
Si l’automne a été mitigé côté pelouse, c’est surtout en coulisses que les choses n’ont pas tardé à se compliquer. « La mise à l’écart de certains cadres nous a mis la puce à l’oreille, mais une fois le championnat lancé, la priorité était ailleurs.» Relate Blaise Nkufo. Avant de poursuivre : « Je me suis rendu compte de la vraie nature du président lorsqu’il a nié en bloc avoir proposé de l’argent à mon frère, alors même que celui-ci n’avait rien demandé pour signer. En creusant un peu, j’ai découvert que c’était loin d’être un cas isolé. »
La liste des conflits orchestrés par l’énigmatique président s’allonge au fil de nos échanges avec les proches du club, anciens et nouveaux membres confondus. « J’ai investi plusieurs milliers de francs de sponsoring dans le club l’an dernier et mon nom n’est jamais apparu nulle part. Je ne sais pas où est passé cet argent. » s’offusque Fausto Campanario, qui avait soutenu le club au travers de son entreprise FCM Carrelage. Un agacement partagé chez les joueurs : « Le président proclame fièrement que ceux qui rejoignent le Lausanne City ne paient pas de cotisations. J’ai décidé de partir cet hiver et aujourd’hui il me réclame un paiement pour libérer mon passeport. C’est incompréhensible. » Témoigne Boully Nkoya, arrivé en août du FC Renens.
« Ce n’est pas le seul club qui utilise le boycott comme moyen de pression sur les joueurs, mais la plupart du temps, si cela ne concerne pas des cotisations, facture à l’appui, l’ACVF n’entre même pas en matière.» Précise Alain Klaus, Secrétaire Général de l’ACVF. Ce dernier est catégorique lorsqu’on aborde avec lui la question des statuts du club, pourtant validés par l’ASF en 2021 : « Beaucoup de membres indiquent qu’il n’y a jamais eu d’assemblée générale, ce qui est contraire aux statuts. Dans ce cas-là, ils sont en droit d’en demander une, car les clubs sont tenus d’organiser une AG chaque année et d’en faire valider le procès-verbal. »
Des moyens financiers limités
Si le club fait la part belle à son image en affichant une esthétique parfaitement travaillée sur les réseaux sociaux, la réalité financière se trouve pourtant aux antipodes de cette apparence épurée. « J’ai dû payer de ma poche le maigre défraiement demandé par Mamady Touré (assistant de Blaise Nkufo cet automne) pour ses déplacements depuis Vevey, car le Président m’a déclaré qu’il n’avait plus un franc. » Se désole Tidiane Diouwara, ancien directeur sportif. « Lorsqu’on affiche de telles ambitions, on devrait avoir au moins un peu les moyens de les atteindre. » Conclut celui qui a fraîchement démissionné de sa fonction.
« Le Lausanne City est une coquille vide, il n’y a aucune base solide pour implanter un projet de cette envergure et le faire grandir. Le président nous a menti ouvertement, car le club ne dispose même pas de son propre terrain, c’est totalement incohérent. » S’agace Blaise Nkufo, déjà focalisé sur son nouveau projet. En effet, lui et les jeunes de son académie devraient, selon nos sources, rejoindre très prochainement un club de l’agglomération lausannoise. Contactés par notre rédaction, Mario Marques et Toni Del Rio, récemment nommé « General Manager » du Lausanne City, n’ont, quant à eux, pas souhaité s’exprimer.
Dans l’intervalle, Christopher Schwindt a repris les commandes de l’équipe, décimée par une quinzaine de départs. L’arrivée du coach passé par Thierrens féminin et Gland notamment, a été officialisée fin janvier. « C’est un club ambitieux, avec des connaisseurs du football, une équipe compétitive et de qualité. C’est un nouveau club où tout est à faire ou presque, c’est excitant » déclare-t-il avec enthousiasme sur le site internet du Lausanne City.
Si la perspective d’une participation aux finales de promotion semble s’être passablement assombrie, l’avenir du club ne semble pas beaucoup plus radieux. À moins que Christopher Schwindt ne parvienne à réaliser ce qu’Oscar Patino, Serge Mobwete, Safet Cokovic et donc Blaise Nkufo n’ont pas réussi avant lui : donner une légitimité à ce club qui se cherche encore une raison d’être.
Rédaction : Footvaud