Ousmane Traoré veut se faire un nom très vite

« Mon bon pied? Je suis gaucher, mais ça part vite des deux! » Ousmane Traoré rigole, assis à la terrasse d’un café du centre de Vevey. Il peut se permettre cette petite pointe de vantardise, lui qui a déjà marqué trois fois en deux matches pour le VS 1899, son nouveau club. Deux fois du pied gauche, une fois du pied droit, justement. Arrivé en Suisse voilà un mois, il a commencé par souffrir de la chaleur, lui, l’enfant de Dakar. « C’est drôle, non? C’est vrai, j’ai eu très chaud cet été. Beaucoup trop même, surtout qu’il y avait le Ramadan et que je le respecte vraiment scrupuleusement », explique le Sénégalais. Mais quand même, on peine à croire que le soleil de la Riviera rivalise avec celui de l’ouest de l’Afrique. On le lui dit et il rigole à nouveau: « Mais moi, ça fait des années que je vis à Lille, dans le nord de la France. Je me suis fait au temps de là-bas. »

La première famille à Dakar, la deuxième à Lille

Ousmane Traoré rigole souvent, en tout cas c’est ce qu’on a cru remarquer lors du moment passé avec lui. Il n’y a que lorsqu’il évoque sa famille, restée tout en haut de l’Hexagone, qu’il arrête un moment de sourire. Le Sénégalais approche de la trentaine et être séparé de sa famille lui pèse, c’est sûr. De ses deux familles, en fait, puisqu’il a quitté l’Afrique à l’adolescence en laissant tout le monde là-bas. « Et ça fait du monde, je vous assure! On est vraiment nombreux à Dakar, on a l’habitude de vivre tous ensemble. Alors c’est sûr qu’être là, tout seul en Suisse, ce n’est pas forcément évident, mais je sais pourquoi je suis là. » Le football, on y vient.

La première venue en Suisse, à quinze ans

Le ballon rond, c’est toute sa vie, à Ousmane Traoré. « J’ai commencé au quartier, chez moi. » Les terrains de Dakar sont en terre, le ballon pas toujours rond, mais il roule, toujours. Le petit Ousmane est doué, il marque des buts des deux pieds et il part… pour la Suisse. « Nicolas Geiger m’a fait venir. Il m’a repéré à Dakar et m’a dit que j’allais réussir en Europe. » Alors, Ousmane a pris l’avion et a atterri à Vevey. C’était au début des années 2000, il n’était pas encore un adulte. « J’ai bien aimé, mais je n’ai pas pu rester. » Une histoire de papiers, de niveau? Il ne sait plus les détails, ou feint de les avoir oublié. Pas grave. La vie continue, en Italie et en France d’abord.

« J’ai joué dans des bons clubs, je ne peux pas me plaindre. Livourne, en Italie, c’était pas mal. » Il y arrive en 2000 et joue avec la réserve. Après? Grenoble et Châlons, dans les séries inférieures françaises. « J’ai encore eu ma chance à Livourne. L’entraîneur, c’était Franco Colomba. Il m’a dit que j’étais assez fort pour jouer au Milan! Les paroles, hein… Moi, je savais bien qu’en arrivant du niveau amateur, sans avoir rien prouvé, c’était difficile, mais je ne me suis jamais senti moins fort qu’un autre. Un des soucis que j’avais, c’était mon passeport sénégalais. Il  y a toujours eu moins de place pour les étrangers. En tout cas, cette excuse-là, on me l’a souvent sortie. »

Une saison en deuxième division française

Sa carrière s’est donc poursuivie en marge du football professionnel. Il a toujours vécu de sa passion, mais pas aussi bien que d’autres, il l’avoue sans détour. « Je n’ai pas croisé les bonnes personnes au bon moment, c’est tout. » En fait, son parcours est devenu intéressant dès 2008. « Là, j’ai pu me faire un nom en deuxième division belge. Avec Beveren et Turnhout, ça s’est très bien passé. » Il s’établit alors à Lille, tout près de la frontière belge. La vie en famille se passe bien, le football aussi. « Là, franchement, j’ai pensé que ma carrière allait décoller. Et, dans un sens, c’est ce qui s’est passé. » Arrive en effet Laval, en Ligue 2 française. « J’y suis arrivé comme titulaire. Et je n’ai pas seulement joué 12 matches comme le prétendent les sites de statistiques. J’ai bien plus de matches que ça, je vous assure. » Il joue une saison à Laval avant de partir à Dieppe, deux échelons plus bas, puis de partir au Luxembourg, en première division.

Le niveau? Pas encore assez de recul pour juger

Et puis, le hasard des rencontres l’a amené en Suisse. « J’ai croisé Juan Rodriguez, on a parlé et je lui ai dit que la Suisse pourrait me plaire. Et, quinze ans après, me revoilà. » Cette fois, il porte pour de bon les couleurs de Vevey, où il a réussi ses débuts. En cinquième division suisse, c’est un peu facile, non? « Non. Il faut respecter tout le monde et je ne connais pas cette ligue. Je n’ai joué que deux matches, je n’ai pas encore assez de recul pour en penser quoi que ce soit. »

« Les menteurs, je les repère à des kilomètres »

Il y a une chose qu’il n’aime pas, par contre, ce sont les beaux parleurs. « Moi, je ne suis pas un monsieur, une personne qui sait bien s’exprimer. Je suis un jeune Sénégalais, arrivé de Dakar à 16 ans. Par contre, je sais ce que j’ai fait. Si vous tapez Ousmane Traoré sur Youtube, vous allez voir mes buts, vous allez savoir à qui vous avez à faire. Et c’est la même personne qui est devant vous. Je suis comme je suis, avec mes qualités et mes défauts, mais ma carrière, je ne l’ai pas inventée. Elle aurait pu être plus belle, mais je remercie déjà les personnes qui m’ont permis de la mener. Et je vous assure que ce n’est pas fini, je peux jouer encore plusieurs années à très haut niveau. »

Améliorer le quotidien, l’ambition permanente

Reste une question centrale: veut-il s’établir en Suisse? « Je ne sais pas, sincèrement. J’ai le passeport français, donc je pourrais. Mais ma vie est en France, ma famille aussi. Si je décroche un bon contrat, dans une première ou une deuxième division, je pourrais faire venir tout le monde, mais là, je suis loin de pouvoir le faire. Aujourd’hui, c’est impossible. Vevey, c’est très bien, mais n’allez pas croire que je suis professionnel du football. Alors, tout ce que je veux, c’est me faire un nom en Suisse. Je veux que des gens viennent me voir, c’est tout ce que je demande. Je ne suis pas moins fort qu’un autre. » Alors, en attendant de trouver un contrat plus haut, ou un travail à temps partiel avec Vevey, il s’entraîne le matin. « On est six ou sept, on se fait notre programme. Et on attend de voir ce qui va arriver. »

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