Il était seul, il avait de grandes ambitions et il a chuté. L’histoire semblait écrite d’avance à Saint-Sulpice, où plus personne ne croyait depuis longtemps à une issue favorable dans un club qui ne suivait pas, ou plus, un président plein de bonnes intentions mais incapable de communiquer et de donner une ligne directrice. Jean-François Gerzner est tout sauf un fédérateur. Il est un émotif, un homme très sensible qui a envie de bien faire et de donner une bonne image, mais qui n’arrive pas à faire passer son message. Son drame est là, nulle part ailleurs. Cette semaine, sa dernière au club, a été à l’image de toutes les autres: peu claire. Brouillée. Et triste, surtout.
Un homme sincèrement affecté
Car oui, cette semaine, Jean-François Gerzner a démissionné. Il l’avait déjà fait plusieurs fois, mais cette fois, c’est officiel. Ou disons qu’il l’a dit à tellement de personnes qu’il ne peut plus revenir en arrière. Le week-end dernier, en recevant le message, nous avons décidé de laisser passer quelques temps, tant la vérité d’un jour peut être balayée le lendemain avec cet étrange personnage, passionné fou dépassé par les événements. Mais une dernière réunion avec ses joueurs-cadres a fini par le convaincre de prendre la seule décision qui s’imposait malheureusement: quitter un club qu’il aimait. Nous avons eu de nombreux contacts avec lui cette semaine et il nous a semblé sincèrement affecté. Il a beaucoup donné pour le FC Saint-Sulpice, que ce soit son temps et son argent, et les deux sont importants. Il a perdu de l’énergie et de la crédibilité, mais il a eu l’intelligence d’écouter ses joueurs, ceux qu’il avait amené au Laviau pour viser la 2e ligue le plus vite possible, sans vraiment savoir comment. Ceux-ci, lucides, lui ont dit en face ce qu’il ne voulait pas entendre: il devait partir. Tout de suite. Ses explications? « Je voulais faire un club ambitieux, mais je ne me sentais pas soutenu en interne ». En clair? Personne ne voulait le suivre et lui faire confiance.
Ces joueurs-cadres vont le suivre
Jean-François Gerzner a donc écouté les gens qui lui voulaient du bien, « ses » joueurs, et pris la décision qui s’imposait tant les tensions devenaient fortes au sein de son comité, du club tout entier et de l’entourage de celui-ci: démissionner du FC Saint-Sulpice, même si, encore une fois, rien n’est clair. Pourquoi? Parce qu’il ne s’est pas présenté à la dernière séance et que, s’il s’est enlevé de football.ch, son départ n’est pas officiellement acté. Y aura-t-il un retournement de situation? Non. Cette fois, c’est fini. De nouveau, il l’a dit à trop de monde, et ses joueurs-clés ont déjà annoncé leur intention de partir. Il ne reviendra pas en arrière, c’est sûr, même si le mot « certitude » n’existe pas chez Jean-François Gerzner. Le nom des joueurs qui lui ont parlé et vont le suivre où qu’il aille? Sonny Kok, Remzi Maliqi, Antonio Zarlenga, Mickael Peixoto, Cyril Oulevay. Ils étaient venus pour lui, même s’il a toujours essayé de nous faire croire avec le sourire et du deuxième degré assumé que c’était pour la beauté du lac. Ces joueurs-là ont une réelle affection pour « JFG », et ce n’est pas une histoire d’argent. On est naïf? Non, désolé. La manière dont ils en parlent est sincère. Cet homme-là, dans sa maladresse, a quelque chose de touchant, de presque inexplicable. Il ne donne pas envie de le suivre, mais pas non plus envie de le quitter. « Mes joueurs et moi, c’est comme une famille. On est unis! », nous a-t-il encore dit aujourd’hui. Et vu qu’eux nous le disent aussi, on n’a absolument aucune envie de le contredire sur ce point-là.
« Pa Capona », c’est sa devise. Non, il n’abandonnera pas
Il ne retournera donc pas à Saint-Sulpice, c’est sûr, et il a déjà des contacts ailleurs, dans des clubs de 2e ligue. Rebondira-t-il dans le canton de Vaud, lui le Valaisan de Fully? Peut-être. « Pa Capona » nous-a-t-il transmis comme message aujourd’hui. Pa Capona? « Ne baisse pas les bras, n’abandonne pas ». « C’est ma devise », nous-a-t-il fièrement dit. Jean-François Gerzner va rebondir, sans doute. On espère pour lui, sincèrement, qu’il trouve sa place quelque part. Peut-être pas comme président, tant la gestion d’un club semble difficile pour lui, mais comme responsable d’une première équipe, « team manager » ou assistant d’un président. Parce qu’au fond, il est comme tous ceux qui font vivre le football vaudois, il a la passion. Cela ne suffit pas pour faire un bon président, ni un président tout court d’ailleurs, mais cela suffit largement pour avoir le droit d’occuper une place dans le petit monde du football vaudois. Reste à trouver la bonne.
Plus de dégâts qu’un ouragan
On lui souhaite donc sincèrement de rebondir, car l’homme est sympathique, mais on souhaite aussi au FC Saint-Sulpice de se remettre de son passage. En six mois, il a fait plus de dégâts qu’un ouragan et laisse derrière lui un club rongé par les luttes internes, et une première équipe privée de ses meilleurs éléments. Le FC Saint-Sulpice est un club de tradition, qui a les ressources pour rebondir, mais le deuxième tour s’annonce compliqué. La suite? Une fois que la démission de « JFG » sera actée, le reste du comité se réunira et décidera de la manière de continuer l’aventure. L’urgence sera déjà de reconstruire une équipe pour le deuxième tour. Une page se tourne donc, et ce n’est de loin pas la plus glorieuse de l’histoire du club. Mais assurément l’une des plus tristes.